Les généralistes face aux doutes de leurs patients Congrès
Vaccins, médicaments, dépistage du cancer… les médecins généralistes sont en première ligne pour répondre aux questions du public. Non sans difficulté, parfois. Mise au point
C’est la grand-messe de la médecine générale. Deux mois après le 12e Congrès de médecine générale france (CMGF), se tiennent à Nice dans quelques jours Les premières Régionales du Collège de la médecine générale. L’occasion pour cette profession de faire le point sur des problématiques de santé auxquelles elle est régulièrement confrontée dans son exercice: la vaccination, le dépistage du cancer de la prostate, le mal de dos et les médicaments pendant la grossesse. «Il s’agit de thèmes assez fédérateurs, même si nos pratiques sont différentes. Le but de ces rencontres est d’améliorer nos connaissances scientifiques sur ces thèmes et d’enrichir nos pratiques », résument les deux référents locaux, les Drs Martine Langlois et Stéphane Munck, médecins généralistes libéraux. Avec eux, nous avons fait le tour de ces thématiques abordées lors de cette journée qui se tiendra le 30 juin prochain au CUM à Nice.
La lombalgie, un motif de consultation très courant
Le mal de dos représente un véritable fléau : arrêts de travail, désinsertion sociale, toxicité des médicaments absorbés, multiplication des examens de type scanner, radios, IRM coûteux, toxiques pour certains… « Certains jours, jusqu’à 4 à 5 patients se présentent au cabinet pour ce motif. Notre métier consiste à repérer ce qui est grave. Ou pas. Mais il n’est pas rare que les patients qui souffrent de mal de dos prennent, sans même nous consulter au préalable, un rendez-vous pour un examen IRM! Ils se présentent ensuite au cabinet ou appellent en disant: “J’ai un rendez-vous pour une IRM, pouvez-vous me faire la prescription, pour le remboursement ?”» Au-delà des aspects financiers et de l’impact sur la prise en charge d’autres patients (la débauche d’examens d’imagerie réduit l’accès à ces plateformes), ces comportements peuvent parfois induire une perte de chance pour le patient luimême. «Un patient souffrant d’un cancer du rein s’était ainsi étiqueté “lombalgique”», illustre le Dr Munck. Inutile donc de se ruer chez son radiologue. Lorsqu’un examen n’est pas bien indiqué, il n’y a rien à en attendre. « Si on fait subir des examens à toute la population, il est certains que l’on trouve chez une majorité d’entre elle des hernies, tant la pathologie est fréquente. Sans être toujours responsable des douleurs. Mais cela reste difficile à faire comprendre! On se retrouve ainsi confrontés à de nombreux faux diagnostics. » Que faire dès lors face à un mal de « Les gens sont persuadés que le nombre de vaccins a augmenté, alors que rien n’a changé », dos et après que le médecin a exclu l’existence d’une pathologie grave ? Bouger ! C’est le thème d’une campagne de sensibilisation de l’Assurance-maladie autour du thème: «Mal de dos? Le bon traitement, c’est le mouvement ». « Le repos est le meilleur ennemi des lombalgies en phase aiguë. Comme la ceinture lombaire. Les muscles s’atrophient, et lorsqu’on la retire, on a encore plus mal. » Les bonnes mesures : quitter son canapé, aller chercher le pain, promener son chien… « On peut consulter son médecin, mais inutile de réaliser des examens d’imagerie compliqués, de se faire prescrire 40 séances de kiné ou courir chez son ostéopathe.Le principal traitement peut être tout simplement le mouvement. »
Vaccination : des rumeurs qui ont la vie dure
la base de données scientifiques, et de fournir aux médecins des outils pour restaurer la confiance auprès des patients: plus un médecin est convaincu, plus le message passe auprès de ses patients.» Parmi les vaccins sujets à polémique, celui qui protège du cancer du col de l’utérus. « Au départ, nous étions prudents. Aujourd’hui, nous avons assez de recul et nous pouvons présenter des chiffres concernant sa sécurité et son efficacité. » En débat également, appelé PSA dans le jargon médical) est une question qui intéresse beaucoup les médecins généralistes, régulièrement confrontés à cette demande: « Docteur, il faut me doser le PSA!» Beaucoup d’hommes mûrs sont en effet toujours convaincus de l’intérêt du dépistage du cancer de la prostate via le dosage de l’antigène prostatique. «C’est normal, confie le Dr Munck. Ces hommes ont entendu pendant des années: “Vous avez 50 ans? Il faut que l’on dose votre PSA.”» Aucune des études conduites à ce jour n’a mis en évidence les bénéfices du dosage du PSA sur la mortalité par cancer de la prostate. « Les bénéfices sont inexistants. Par contre, les conséquences des gestes thérapeutiques que ces dosages peuvent induire sont très lourdes, avec un fort taux de complications: incontinence, impuissance… » Faute de symptômes spécifiques, c’est un ensemble de signes qui peuvent conduire les hommes à consulter : mictions plus fréquentes, nocturnes, jet moins fort. «En cas de doute, plutôt que le PSA, on utilise l’imagerie, et notamment l’IRM pelvienne.» On l’aura compris: stop au dosage du PSA. « XXX + GROSSESSE = DANGER ». C’est le pictogramme qui figure depuis octobre sur certains médicaments. Ils seraient pourtant parfois loin de refléter les réalités médicales et scientifiques, et pourraient inquiéter à tort certaines personnes. «Les généralistes sont souvent les premiers interlocuteurs des femmes enceintes lorsqu’elles sont confrontées à une pathologie au cours de leur grossesse. Notre message est le suivant : attention à ne pas prendre n’importe quel médicament, mais aussi, à l’opposé, à ne rien prendre, alors que cela peut être nécessaire, en adoptant une attitude excessivement protectionniste. » Et non sans risque. La Société de pneumologie de langue française vient ainsi d’alerter sur les dangers potentiels qu’induit l’apposition d’un pictogramme « femmes enceintes » sur de nombreux traitements antiasthmatiques. Il inciterait les femmes enceintes asthmatiques à arrêter leurs traitements, alors que ceux-ci ne présentent aucun danger pour elles et leur bébé. Or l’asthme, s’il n’est pas traité, est un facteur de risque de complications de la grossesse (diabète gestationnel, césarienne, hémorragie per-partum…) et pour le foetus (prématurité, retard de croissance…). «Le risque est d’autant plus élevé que l’asthme n’est pas contrôlé », avertit la Société de pneumologie de langue française.