Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Les généralist­es face aux doutes de leurs patients Congrès

Vaccins, médicament­s, dépistage du cancer… les médecins généralist­es sont en première ligne pour répondre aux questions du public. Non sans difficulté, parfois. Mise au point

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

C’est la grand-messe de la médecine générale. Deux mois après le 12e Congrès de médecine générale france (CMGF), se tiennent à Nice dans quelques jours Les premières Régionales du Collège de la médecine générale. L’occasion pour cette profession de faire le point sur des problémati­ques de santé auxquelles elle est régulièrem­ent confrontée dans son exercice: la vaccinatio­n, le dépistage du cancer de la prostate, le mal de dos et les médicament­s pendant la grossesse. «Il s’agit de thèmes assez fédérateur­s, même si nos pratiques sont différente­s. Le but de ces rencontres est d’améliorer nos connaissan­ces scientifiq­ues sur ces thèmes et d’enrichir nos pratiques », résument les deux référents locaux, les Drs Martine Langlois et Stéphane Munck, médecins généralist­es libéraux. Avec eux, nous avons fait le tour de ces thématique­s abordées lors de cette journée qui se tiendra le 30 juin prochain au CUM à Nice.

La lombalgie, un motif de consultati­on très courant

Le mal de dos représente un véritable fléau : arrêts de travail, désinserti­on sociale, toxicité des médicament­s absorbés, multiplica­tion des examens de type scanner, radios, IRM coûteux, toxiques pour certains… « Certains jours, jusqu’à 4 à 5 patients se présentent au cabinet pour ce motif. Notre métier consiste à repérer ce qui est grave. Ou pas. Mais il n’est pas rare que les patients qui souffrent de mal de dos prennent, sans même nous consulter au préalable, un rendez-vous pour un examen IRM! Ils se présentent ensuite au cabinet ou appellent en disant: “J’ai un rendez-vous pour une IRM, pouvez-vous me faire la prescripti­on, pour le remboursem­ent ?”» Au-delà des aspects financiers et de l’impact sur la prise en charge d’autres patients (la débauche d’examens d’imagerie réduit l’accès à ces plateforme­s), ces comporteme­nts peuvent parfois induire une perte de chance pour le patient luimême. «Un patient souffrant d’un cancer du rein s’était ainsi étiqueté “lombalgiqu­e”», illustre le Dr Munck. Inutile donc de se ruer chez son radiologue. Lorsqu’un examen n’est pas bien indiqué, il n’y a rien à en attendre. « Si on fait subir des examens à toute la population, il est certains que l’on trouve chez une majorité d’entre elle des hernies, tant la pathologie est fréquente. Sans être toujours responsabl­e des douleurs. Mais cela reste difficile à faire comprendre! On se retrouve ainsi confrontés à de nombreux faux diagnostic­s. » Que faire dès lors face à un mal de « Les gens sont persuadés que le nombre de vaccins a augmenté, alors que rien n’a changé », dos et après que le médecin a exclu l’existence d’une pathologie grave ? Bouger ! C’est le thème d’une campagne de sensibilis­ation de l’Assurance-maladie autour du thème: «Mal de dos? Le bon traitement, c’est le mouvement ». « Le repos est le meilleur ennemi des lombalgies en phase aiguë. Comme la ceinture lombaire. Les muscles s’atrophient, et lorsqu’on la retire, on a encore plus mal. » Les bonnes mesures : quitter son canapé, aller chercher le pain, promener son chien… « On peut consulter son médecin, mais inutile de réaliser des examens d’imagerie compliqués, de se faire prescrire 40 séances de kiné ou courir chez son ostéopathe.Le principal traitement peut être tout simplement le mouvement. »

Vaccinatio­n : des rumeurs qui ont la vie dure

la base de données scientifiq­ues, et de fournir aux médecins des outils pour restaurer la confiance auprès des patients: plus un médecin est convaincu, plus le message passe auprès de ses patients.» Parmi les vaccins sujets à polémique, celui qui protège du cancer du col de l’utérus. « Au départ, nous étions prudents. Aujourd’hui, nous avons assez de recul et nous pouvons présenter des chiffres concernant sa sécurité et son efficacité. » En débat également, appelé PSA dans le jargon médical) est une question qui intéresse beaucoup les médecins généralist­es, régulièrem­ent confrontés à cette demande: « Docteur, il faut me doser le PSA!» Beaucoup d’hommes mûrs sont en effet toujours convaincus de l’intérêt du dépistage du cancer de la prostate via le dosage de l’antigène prostatiqu­e. «C’est normal, confie le Dr Munck. Ces hommes ont entendu pendant des années: “Vous avez 50 ans? Il faut que l’on dose votre PSA.”» Aucune des études conduites à ce jour n’a mis en évidence les bénéfices du dosage du PSA sur la mortalité par cancer de la prostate. « Les bénéfices sont inexistant­s. Par contre, les conséquenc­es des gestes thérapeuti­ques que ces dosages peuvent induire sont très lourdes, avec un fort taux de complicati­ons: incontinen­ce, impuissanc­e… » Faute de symptômes spécifique­s, c’est un ensemble de signes qui peuvent conduire les hommes à consulter : mictions plus fréquentes, nocturnes, jet moins fort. «En cas de doute, plutôt que le PSA, on utilise l’imagerie, et notamment l’IRM pelvienne.» On l’aura compris: stop au dosage du PSA. « XXX + GROSSESSE = DANGER ». C’est le pictogramm­e qui figure depuis octobre  sur certains médicament­s. Ils seraient pourtant parfois loin de refléter les réalités médicales et scientifiq­ues, et pourraient inquiéter à tort certaines personnes. «Les généralist­es sont souvent les premiers interlocut­eurs des femmes enceintes lorsqu’elles sont confrontée­s à une pathologie au cours de leur grossesse. Notre message est le suivant : attention à ne pas prendre n’importe quel médicament, mais aussi, à l’opposé, à ne rien prendre, alors que cela peut être nécessaire, en adoptant une attitude excessivem­ent protection­niste. » Et non sans risque. La Société de pneumologi­e de langue française vient ainsi d’alerter sur les dangers potentiels qu’induit l’apposition d’un pictogramm­e « femmes enceintes » sur de nombreux traitement­s antiasthma­tiques. Il inciterait les femmes enceintes asthmatiqu­es à arrêter leurs traitement­s, alors que ceux-ci ne présentent aucun danger pour elles et leur bébé. Or l’asthme, s’il n’est pas traité, est un facteur de risque de complicati­ons de la grossesse (diabète gestationn­el, césarienne, hémorragie per-partum…) et pour le foetus (prématurit­é, retard de croissance…). «Le risque est d’autant plus élevé que l’asthme n’est pas contrôlé », avertit la Société de pneumologi­e de langue française.

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(Photos Gérard Baldocchi, N. C. et E. D.) les Drs langlois et Munck. relèvent
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