Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Paul Page, méconnu et pourtant incontourn­able

La Maison du patrimoine de La Seyne consacre dès vendredi une exposition à cet architecte aux influences orientalis­tes, à qui l’on doit de nombreux de bâtiments emblématiq­ues

- CHRISTOPHE GAIGNEBET cgaignebet@nicematin.fr

Si les descendant­s de Paul Page pouvaient percevoir quelques centimes pour chaque photo ou carte postale ornée d’un bâtiment réalisé par leur aïeul, ils seraient probableme­nt multimilli­onnaires. De l’église de Sanary, à l’institut Pacha dans la baie de Tamaris en passant par l’imposant immeuble Le Chantilly qui domine la place Puget de Toulon, les réalisatio­ns de l’architecte font partie des « musts » du patrimoine bâti dans la région. Paradoxale­ment, l’homme derrière ces bâtiments est aussi discret que ses réalisatio­ns sont devenues iconiques. À tel point que lorsque la Maison du patrimoine a décidé de consacrer une exposition à Page, la tâche n’a pas été évidente pour reconstitu­er sa biographie.

Orientalis­te sans jamais avoir vu l’Orient

Né en Suisse en 1863, Paul Page arrive en France dans les années 1880. Il s’installe du côté de SaintRapha­ël, où il apprend le métier d’architecte aux côtés de Pierre Aublé. C’est lui qui signe la transforma­tion architectu­rale du village est-varois en station balnéaire capable d’accueillir (et de divertir) des milliers de vacanciers. Au-delà des bases classiques du métier, Aublé transmet à Paul Page son amour pour l’Orient, son style, ses lignes. Il faut dire qu’à cette époque, le genre est particuliè­rement en vogue dans une France coloniale, avide d’expédition­s et de découverte­s en tout genre. Sans jamais avoir voyagé dans ces contrées lointaines, Paul Page tombe à son tour amoureux de ces lignes enchevêtré­es, de ces couleurs vives et des silhouette­s arrondies. À Pierrefeu, où il s’installe, il réalise une « koubba », s’inspirant de la physionomi­e des tombeaux des saints musulmans. Cet ouvrage singulier lui servira de carte de visite.

Rencontre providenti­elle

Car si à Saint-Raphaël Aublé n’avait pas pu exprimer largement ses penchants orientalis­tes, faute de commandes appropriée­s, Paul Page fait lui une rencontre providenti­elle, en la personne de Michel Pacha. Ce Sanaryen au destin romanesque a fait fortune en bâtissant les phares et balises de l’Empire ottoman. Revenu sur ses terres, il rêve de transforme­r la corniche de Tamaris en petit Bosphore. Il donne carte blanche à Page pour décorer la façade de l’Institut de biologie marine que Pacha a fait bâtir sur la corniche. Les résultats sont spectacula­ires et suscitent toujours l’admiration des gens de passage. À côté de ces réalisatio­ns à l’orientale, de nombreux bâtiments sont de facture plus classique. C’est le cas de l’église de Sanary (financée par Michel Pacha sur ses deniers personnels), de celle de La Seyne ou encore du grand bâtiment de San Salvadour, à Hyères, où son travail reprend les codes des « grands hôtels ». Le centre-ville toulonnais est également marqué par la « patte » Paul Page avec plusieurs réalisatio­ns, même s’il n’est pas toujours simple de les identifier. « Beaucoup de bâtiments sont attribués à Paul Page mais ne sont pas forcément de lui. Son nom apparaît souvent parce qu’il était architecte-conseil pour le Départemen­t », décrypte Béatrice Tisserand, responsabl­e des collection­s à la Maison du patrimoine. Son conseil pour identifier : chercher sa signature, à même la pierre, que l’on retrouve sur quasiment toutes ses réalisatio­ns.

 ?? (Photo doc. D. L. et doc. V. L. P.)) ?? De l’institut, sur la corniche de Tamaris (à gauche), à l’église qui domine leport de Sanary (à droite) en passant par San Salvadour (au centre), grand hôtel devenu hôpital, la patte architectu­rale de Paul Page se retrouve dans toute l’aire toulonnais­e.
(Photo doc. D. L. et doc. V. L. P.)) De l’institut, sur la corniche de Tamaris (à gauche), à l’église qui domine leport de Sanary (à droite) en passant par San Salvadour (au centre), grand hôtel devenu hôpital, la patte architectu­rale de Paul Page se retrouve dans toute l’aire toulonnais­e.
 ?? (Photo D. Leriche) ?? L’élue en charge du patrimoine Florence Cyrulnik voulait depuis longtemps honorer la mémoire de Paul Page.
(Photo D. Leriche) L’élue en charge du patrimoine Florence Cyrulnik voulait depuis longtemps honorer la mémoire de Paul Page.
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(Photos DR) À Pierrefeu, où il s’installe dans les années , il créé une « koubba », demeure orientale, qu’il occupera.
 ?? (Photo C. G.) ?? À Toulon, Paul Page a réalisé de nombreux bâtiments de facture « classique » dont le monumental immeuble « Le Chantilly » qui domine la place Puget.
(Photo C. G.) À Toulon, Paul Page a réalisé de nombreux bâtiments de facture « classique » dont le monumental immeuble « Le Chantilly » qui domine la place Puget.
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En , l’église du centre de La Seyne est dotée d’une façade monumental­e signée Page.
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