La maison d’arrêt prend
Novateur, le pôle enseignement de la prison de Draguignan l’est assurément. Basé sur une analyse du niveau du détenu avant toute entrée dans le parcours de formation, le module de positionnement initié là-bas devrait devenir la norme ailleurs
Ca, ça passe vite ! » En prison, c’est un objectif : faire passer le temps. Les activités qui accélèrent le processus sont chères. Et prisées. Il y a le sport, bien sûr. La télé, le jardinage, tout ça, ça marche. Et l’école ? Oui : l’école ! «On sort de son quotidien, on sort de sa cellule, on s’évade le temps d’un cours. Ce n’est pas toujours facile, ça ne se déroule pas toujours sans accro, mais souvent, le temps passe vite au pôle enseignement.» Rien que ça, rien que ce témoignage recueilli auprès des quatre détenus rencontrés, cette affirmation lâchée dans un sourire, pourrait suffire au bonheur de l’équipe pédagogique en place à la maison d’arrêt de Draguignan. Si on leur demandait, Sophie Abdelsador, responsable du pôle enseignement, et ses collègues enseignants, ils répondraient sans doute que ce n’est que leur travail. Le fait est qu’il est plutôt bien mené et qu’il apporte un peu de lumière dans ce coin d’ombre. Ce qui passe vite, en l’occurrence, ce n’est pas forcément les cours en eux-mêmes. Parce que ce qui nous amène en prison, c’est le module de positionnement. Un dispositif finalement assez répandu : vérifier le niveau scolaire d’un arrivant en prison, tout le monde le fait. Mais à Draguignan, le contexte aidant (nouvelle prison, locaux adaptés, direction engagée…), le module a été mis au coeur du pôle enseignement de la maison d’arrêt.
Vers un parcours «à la carte »
Avec succès. Dans l’établissement, déjà : « Avant, on disait : “Je veux aller au pôle enseignement.” Et maintenant, on dit : “Je veux assister au module.”» , décrit un surveillant pénitentiaire. Ali, un détenu, confirme : « C’est rentré dans les moeurs. C’est le bouche-à-oreille en prison. » Et dehors, c’est pareil : cette réussite inspire l’unité pédagogique régionale (UPR) Paca. À sa demande, tout le monde va devoir s’y mettre. « L’idée, c’est que chaque établissement pénitentiaire se dote de son propre dispositif. On ne se copie pas, même si on s’inspire les uns des autres », explique Sophie Abdelsador. Dans le détail, l’entrée en parcours de formation s’effectue à Draguignan via trois séances d’1h30 chacune. En une semaine, c’est plié. Les douze inscrits maximum sont évalués, puis reçus individuellement afin que leur soit proposé un parcours « à la carte ». En fonction d’abord de leur compétence. « Le principe de ce module est de s’appuyer sur les points forts du candidat, de lui donner confiance, de le stimuler, de le motiver. » Et pour cela, l’équipe pédagogique n’a pas hésité à sortir des sentiers battus. Mises en situation, exercices d’expression orale, travail d’équipe… « L’idée est de prendre une photographie du niveau éducatif du détenu, dans les champs d’autonomie de la vie quotidienne. » La vie quotidienne. Ils aspirent tous à la retrouver. Ce sera pour l’après, pour le dehors. Dans quelques mois, dans quelque temps. Pourvu qu’il passe vite.