Var-Matin (La Seyne / Sanary)

La maison d’arrêt prend

Novateur, le pôle enseigneme­nt de la prison de Draguignan l’est assurément. Basé sur une analyse du niveau du détenu avant toute entrée dans le parcours de formation, le module de positionne­ment initié là-bas devrait devenir la norme ailleurs

- ROMAIN ALCARAZ

Ca, ça passe vite ! » En prison, c’est un objectif : faire passer le temps. Les activités qui accélèrent le processus sont chères. Et prisées. Il y a le sport, bien sûr. La télé, le jardinage, tout ça, ça marche. Et l’école ? Oui : l’école ! «On sort de son quotidien, on sort de sa cellule, on s’évade le temps d’un cours. Ce n’est pas toujours facile, ça ne se déroule pas toujours sans accro, mais souvent, le temps passe vite au pôle enseigneme­nt.» Rien que ça, rien que ce témoignage recueilli auprès des quatre détenus rencontrés, cette affirmatio­n lâchée dans un sourire, pourrait suffire au bonheur de l’équipe pédagogiqu­e en place à la maison d’arrêt de Draguignan. Si on leur demandait, Sophie Abdelsador, responsabl­e du pôle enseigneme­nt, et ses collègues enseignant­s, ils répondraie­nt sans doute que ce n’est que leur travail. Le fait est qu’il est plutôt bien mené et qu’il apporte un peu de lumière dans ce coin d’ombre. Ce qui passe vite, en l’occurrence, ce n’est pas forcément les cours en eux-mêmes. Parce que ce qui nous amène en prison, c’est le module de positionne­ment. Un dispositif finalement assez répandu : vérifier le niveau scolaire d’un arrivant en prison, tout le monde le fait. Mais à Draguignan, le contexte aidant (nouvelle prison, locaux adaptés, direction engagée…), le module a été mis au coeur du pôle enseigneme­nt de la maison d’arrêt.

Vers un parcours «à la carte »

Avec succès. Dans l’établissem­ent, déjà : « Avant, on disait : “Je veux aller au pôle enseigneme­nt.” Et maintenant, on dit : “Je veux assister au module.”» , décrit un surveillan­t pénitentia­ire. Ali, un détenu, confirme : « C’est rentré dans les moeurs. C’est le bouche-à-oreille en prison. » Et dehors, c’est pareil : cette réussite inspire l’unité pédagogiqu­e régionale (UPR) Paca. À sa demande, tout le monde va devoir s’y mettre. « L’idée, c’est que chaque établissem­ent pénitentia­ire se dote de son propre dispositif. On ne se copie pas, même si on s’inspire les uns des autres », explique Sophie Abdelsador. Dans le détail, l’entrée en parcours de formation s’effectue à Draguignan via trois séances d’1h30 chacune. En une semaine, c’est plié. Les douze inscrits maximum sont évalués, puis reçus individuel­lement afin que leur soit proposé un parcours « à la carte ». En fonction d’abord de leur compétence. « Le principe de ce module est de s’appuyer sur les points forts du candidat, de lui donner confiance, de le stimuler, de le motiver. » Et pour cela, l’équipe pédagogiqu­e n’a pas hésité à sortir des sentiers battus. Mises en situation, exercices d’expression orale, travail d’équipe… « L’idée est de prendre une photograph­ie du niveau éducatif du détenu, dans les champs d’autonomie de la vie quotidienn­e. » La vie quotidienn­e. Ils aspirent tous à la retrouver. Ce sera pour l’après, pour le dehors. Dans quelques mois, dans quelque temps. Pourvu qu’il passe vite.

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(Photos R.A.) Trois séances d’h : le module de positionne­ment prend le temps de connaître et d’évaluer chaque détenu avant de lui proposer un parcours de formation.

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