De l’atelier à la connaissance
Ils s’appellent Ali, Olivier, Jérémy et Serigne. Tous ont leurs raisons propres, tous ont leur parcours personnel. Tous ont participé au module de positionnement avant d’intégrer les cours. Et tous se souviennent d’un moment un peu à part dans la vie en prison. « J’étais un peu surpris au début », se rappelle Ali. Il faut dire que les ateliers proposés durant ces trois séances de 1 h 30 ne ressemblent pas à ce qui se fait d’habitude. « Je m’attendais à une fiche avec des cases à cocher », note Jérémy. Raté : ce seront des mises en situation qui bousculent les habitudes. Un jeu de carte avec des images, des mots... Il faut en choisir trois. Puis expliquer son choix. « Moi j’ai pris une photo de la nature, c’est ce que j’aime. » Un autre atelier : en groupe de 5 détenus, il faut choisir dix objets à emporter sur une île déserte. Puis écrire une histoire avec ces dix objets. Puis la lire. De la coopération aux compromis jusqu’à la créativité et l’expression orale : dur dur. Mais stimulant.
« On comprend mieux l’autre, on est plus sociables »
« C’est par ce biais qu’ils entrent dans le parcours éducatif, explique l’enseignante. Après ces trois ateliers, un entretien personnalisé oriente les candidats vers un certain nombre de cours à suivre. Avec l’idée qu’il y a autant de possibilité que de prisonniers.» Et c’est apprécié. « Ailleurs, on a un horaire pour les maths, un pour l’anglais, et basta. Là, c’est plus souple», détaille Olivier. Suffisamment pour que son parcours carcéral s’arrête avec ce séjour dracénois ? « Tu n’es pas ce que tu es, tu es ce que tu vas devenir. Si on accepte ça, ça permet d’ouvrer une perspective plus heureuse. En prison, on a du mal à se projeter sur l’après. Mais avec ces connaissances acquises, on se sent plus fort pour l’après. C’est une arme. » Une arme parfois très concrète : « À l’extérieur, je suis jardinier, raconte Jérémy. Ca fait 10 ans que je n’ai plus rien écrit, sauf pour ma famille. Mais pour écrire au juge, ou à un employeur? Ce que j’apprends ici, ça va m’être utile.» Ali poursuit : « Les connaissances, ça permet d’être plus sociable. On comprend mieux l’autre, ça engage sur le chemin de la réflexion. Alors se cultiver permet d’être moins agressif, cela provoque un effet positif sur nos relations avec les autres. » Serigne confirme : « Ici, on est
Liste d’attente ? Doublement temporaire ou permanent du module de positionnement ? Travail pendant les vacances ? C’est l’une des interrogations qui taraudent les esprits de l’équipe pédagogique. Il faut dire que ces fonctionnaires essuient un peu les plâtres. On parle même d’une phase “test” pour parler de ce premier exercice (du février au juin). Les enseignants et leur responsable n’ont d’ailleurs pas hésité à opérer quelques ajustements durant cette calmes, concentrés. Ca fait du bien. » Et c’est ce qu’il faut, selon Olivier : « Le cerveau, c’est un muscle. Si on reste à végéter en cellule, on ne s’en sort pas. » Du coup, Ali y va à fond. « Je cherche à emmagasiner le plus de connaissances possible. Et devant l’immensité de la connaissance, ça invite à l’humilité. » Ali encore : « L’accès à l’éducation en prison, on doit en profiter. On n’a que ça à faire. L’éducation est une force. J’aurais dû en prendre conscience plus tôt. Mais c’est une valeur que je transmettrais à mes enfants. » Est-il nécessaire d’ajouter quoi que ce soit ?
période. L’un de ces ajustements aura été déterminant pour la suite des opérations : le passage obligatoire par le module de positionnement pour intégrer le parcours de formation. L’objet de cette décision tient en quelques mots : « Installer le climat scolaire souhaité ». Un vrai succès quand on parle aux détenus venus raconter pour nous leur expérience. Pourvu que ça dure.