Thomas s’en rapproche
Quintana s’est offert une victoire de prestige au sommet du col du Portet, mais c’est bien Geraint Thomas, jamais inquiété hier, qui est le grand gagnant de l’étape. La victoire finale lui tend les bras
L’étape inédite, au format court mais intense de 65 km et trois cols, n’aura pas donné le spectacle tant espéré. Les organisateurs avaient pourtant concocté un beau menu, avec ce finish inédit en haut du col de Portet (16 km à 8,7% de moyenne), toit de ce Tour, culminant à 2215 m devant le Tourmalet (2115 m) ou la Croix-de-Fer (2067 m). Avec ce final, « bien plus dur que l’Alpe d’Huez », selon Nicolas Portal, directeur sportif de la Sky, il était difficile d’attendre des grandes manoeuvres dès le départ. Cela s’est confirmé sur la route. La ligne de départ, façonnée à la manière d’une grille de F1, restera plus comme un gadget marketing qu’une véritable plus-value sportive. Ce sont toujours les seconds couteaux, les baroudeurs en quête d’une grande victoire ou de points pour le maillot à pois pour Alaphilippe, qui déclenchèrent les hostilités dès la sortie de Bagnères-deLuchon. Parmi les candidats à la victoire finale, on ne se risquait pas à se lancer dans une grande aventure, sans doute effrayés à l’idée de ces 1390 m de dénivelé positifs à escalader dans les 16 derniers kilomètres. Les AG2R ont bien tenté de sonner la révolte dans le col de Val Louron-Azet, mais les Sky étaient bien trop forts et les jambes de Romain Bardet trop légères pour aller plus loin dans leur expédition. Avec deux hommes aux deux premières places, les Britanniques n’avaient pas à attaquer mais à gérer. Si Quintana est allé cueillir sa deuxième victoire sur le Tour, cinq ans après son succès au Semnoz, c’est parce que l’équipe du maillot jaune l’a laissé filer, lui qui ne présentait pas de danger avec ses 4’23’’ de retard avant l’étape. La force de dissuasion collective des hommes de Brailsford a sans doute refréné les tentatives adverses. A 13 km de l’arrivée, il y avait encore quatre Sky (Bernal, Poels, Froome et Thomas) parmi les neuf hommes qui chassaient Quintana. Roglic ou Dumoulin ont bien tenté de faire vaciller le
maillot jaune dans les deux derniers kilomètres, mais celui-ci a répondu du tac au tac.
« Terrible défaillance » pour Bardet
Ces changements de rythme ont quand même fait plusieurs victimes et non des moindres. Bardet a littéralement craqué à 6 km de l’arrivée et sans doute dit adieu à un troisième podium à Paris (8e à 2’42’’ de Froome 3e). « J’ai vécu une journée terrible, c’est le sport, il faut l’accepter », glissait le leader
d’AG2R, le visage blême devant son bus. « J’ai fait le maximum, mais j’ai eu une terrible défaillance, des maux de tête, j’ai été obligé de rouler à mon tempo ». Mais la plus grande surprise était à venir. Sur une dernière accélération de Dumoulin, c’était Froome qui sautait à son tour à 2 km de la ligne. Anquetil, Merckx, Hinault et Indurain n’accueilleront certainement pas un cinquième membre à cinq succès dans trois jours. « L’équipe a été super, mais ça a été une journée difficile pour moi, c’est une déception,
je n’avais tout simplement pas les bonnes jambes », estimait le désormais 3e du général, dépassé par Dumoulin et relégué dans un rôle d’équipier. « Je vais me battre pour l’équipe et pour G. (Thomas). Il a été excellent et mérite d’être en jaune. J’espère qu’il pourra le rester jusqu’à Paris ». Un Gallois qui a encore profité d’une dernière accélération pour s’offrir un petit matelas supplémentaire de 9 secondes sur Dumoulin et Roglic. Avec quasiment deux minutes d’avance sur Dumoulin
et plus qu’une seule étape de montagne (demain), l’affaire semble quasiment pliée pour celui qui n’est pourtant jamais monté sur un podium d’un grand Tour à 32 ans. « Je pense que je suis dans une bonne position. Je ne vais pas me laisser griser, et verser dans l’autosatisfaction. Je vais continuer à vivre le Tour de la même façon et nous allons continuer à courir en tant qu’équipe, c’est ce qui fait notre force et nous donne confiance ».