Une rentrée pas si commode
La rentrée, promet-on, sera rude. Au demeurant, quand, au cours des septennats et des quinquennats précédents, a-t-on annoncé une rentrée paisible? Reste que celle-là, en effet, ne sera pas commode. Parce que l’image du chef de l’Etat aurait pris un sérieux coup cet été, comme les sondages en font foi? Parce que la polémique picrocholine autour de l’affaire Benalla aurait touché le Président sur son aspect le plus fragile, c’est-à-dire celui de la distance qu’il entretient, sans le vouloir, entre les Français et son style présidentiel? Parce que les différentes oppositions qui avaient déjà donné de la voix en juillet s’apprêtent à se faire entendre à nouveau, quoique dans le désordre? Tout cela compte sans doute au moment où sans les entendre, Emmanuel
Macron affiche avec détermination sa volonté de continuer à réformer, comme il l’entend, la France. Rien ne marque, en effet, la moindre volonté de ralentissement dans le rythme auquel il a habitué les Français. Au contraire, les réformes annoncées tombent comme à Gravelotte: loi Pacte sur les entreprises, d’abord, et, en même temps, comme pour équilibrer l’action gouvernementale, loi Pauvreté. A prévoir aussi, et dans un climat encore moins facile, l’unification des systèmes de retraites, sur laquelle tant de présidents ont reculé depuis des années; le prélèvement à la source, qui va chambouler
les rapports sacro-saints des contribuables avec leurs impôts, la refonte de la formation professionnelle, si délaissée et depuis si longtemps. Le plus difficile, aujourd’hui, n’est pourtant pas là. Et ce n’est peut-être pas sur l’une ou l’autre des réformes envisagées que le leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, arrivera à infliger, comme il le dit élégamment, une «raclée» à Emmanuel Macron. Après tout, la loi sur la concurrence a finalement été imposée aux syndicats de la SNCF sans que la France se soit soulevée, et l’incompréhensible grève «perlée» des
personnels s’est achevée tout naturellement, sans que le gouvernement ne fasse un geste pour en précipiter la fin. Alors, pourquoi croire que la France entrerait à coup sûr en éruption pour les retraites, pour l’amincissement des emplois aidés, ou même pour le départ de quelque mille fonctionnaires? Non, le plus grave, pour Emmanuel Macron, est dans la conjoncture que, contre son attente, il doit affronter aujourd’hui. Et d’abord la conjoncture intérieure, où la croissance n’est pas au rendez-vous, même si quelques feux passent au vert comme la récente reprise des emplois industriels, tandis que l’inflation
reprend à un taux supérieur à celui de la croissance. D’où l’interrogation sur le pouvoir d’achat des Français, qui pourrait être moins important que prévu. La conjoncture extérieure n’est pas meilleure: guerre économique déclenchée par Donald Trump, divergences nombreuses entre pays européens, et notamment sur leurs relations avec Bruxelles, et Brexit dont les conséquences sont totalement inconnues. Emmanuel Macron se veut le maître des réformes à accomplir en France. Mais, comme beaucoup l’ont fait avant lui, il va sans doute être contraint de naviguer à vue.