Bypass et alcool : cocktail explosif Prévention
Les patients bénéficiant de cette technique de chirurgie bariatrique sont plus à risque de tomber dans l’alcoolisme. L’information et le suivi sont donc fondamentaux
Les personnes souffrant d’obésité morbide et ayant bénéficié d’un bypass (une opération consistant à court-circuiter l’estomac – les aliments vont directement dans l’intestin grêle –) ont deux fois plus de risques de souffrir d’addiction à l’alcool que le reste de la population. Un fait encore mal connu, particulièrement de ces patients pour qui la chirurgie bariatrique représente la seule issue après des années d’errance, de régimes et de consultations en tous genre. Il est donc primordial qu’ils en aient conscience. Le sujet sera évoqué lors d’une conférence(1). « C’est un véritable changement de vie, aussi est-il important qu’ils sachent bien ce qui les attend et qu’ils soient suivis», insiste le Dr Audrey Achard, psychiatre et addictologue au centre hospitalier d’Antibes-Juan-les-Pins. Justement, pour pouvoir bénéficier d’une intervention de ce type, chaque patient doit être reçu par un psychiatre. « L’objectif est de vérifier qu’il n’y a pas de contre-indication à la chirurgie bariatrique telles que des problèmes de schizophrénie, de troubles (du comportement alimentaire, de la personnalité...) non stabilisés. Cette consultation pré-opératoire est l’occasion de les informer tout ce qui va changer après l’intervention et sur les risques : notamment celui lié à la consommation d’alcool», souligne le Dr Achard.
Pathologies hépatiques
Pour comprendre le lien entre alcoolisme et chirurgie bariatrique, qui peut paraître étonnant, il faut regarder ce qui se passe lors de la digestion. Le bypass, en déviant les aliments de l’estomac pour les basculer directement vers l’intestin grêle, empêche la première phase de la dégradation de l’alcool, dans l’estomac. Les autres types de chirurgie bariatrique (sleeve gastrectomie – une partie de l’estomac est coupée –, anneau gastrique – l’estomac est resserré en haut –...) n’engendrent pas cet effet puisqu’il subsiste une partie de l’estomac qui peut donc entamer ce processus. « Chez les patients avec un bypass, seul le foie va métaboliser l’alcool. De ce fait, leur taux d’alcoolémie sera plus élevé et plus vite, détaille la psychiatre addictologue. Par exemple, une personne qui boit 2 verres de vin sera à 0,5g/L alors que celle qui a un bypass, à consommation égale, sera à 0,8 voire 1g/L. Il est donc primordial qu’elles le sachent pour ne pas se mettre en danger, notamment par rapport à la conduite automobile. Autre effet ricochet : ces patients ont plus de risques de tomber dans l’addiction parce qu’il arrive que, là où elles trouvaient du réconfort dans la nourriture avant l’opération, elles en trouvent après avec l’alcool car l’ingestion est facile. Ils remplacent une addiction par une autre. D’où l’importance de prendre en charge l’addiction (quelle qu’elle soit mais il s’agit surtout de celle à la nourriture ici) en amont de l’intervention chirurgicale.» L’alcoolémie étant rapidement élevé, les effets euphorisants peuvent vite faire tourner la tête. Sauf que si ces patients basculent dans l’alcoolisme, leur foie va lui aussi être aussi beaucoup plus sollicité que celui d’une personne lambda, augmentant du même coup le risque de souffrir de pathologies hépatiques au premier rang desquelles la cirrhose. Autre problème, les patients post chirurgie bariatrique peuvent présenter des carences, notamment en vitamine B1, indispensable au bon fonctionnement du cerveau et du système nerveux. Or celle-ci est absorbée par l’alcool, augmentant encore plus les carences. L’alcoolisme ne se déclare pas nécessairement juste après la réalisation du bypass; il peut survenir des mois, voire des années plus tard. Dès les premiers signes, il est impératif d’en parler à un médecin : que ce soit le généraliste, le chirurgien viscéral ou un psychiatre afin de rompre le cercle vicieux de la dépendance au plus vite. (1) Le Dr Audrey Achard participera le samedi 29 septembre à une conférence dédiée à l aprise en charge de l’obésité organisée par l’association Les Amis de Sonia. Gratuit, ouvert à tous, à 14h30 à la maison des associations, 288 chemin de Saint-Claude à Antibes. Rens. 06.17.57.26.66.