Au procès de l’affaire Pastor: Janowski contre Janowski Aix-en-Provence
Le gendre de la milliardaire monégasque a clamé son innocence, hier, devant la cour d’assises. Il a aussi multiplié les accusations, dans une audition parfois déroutante
Ce fut une journée de procès où le baroque l’a disputé à l’absurde. De celles où chacun se regarde dans une salle d’audience, se demandant si le spectacle lunaire qu’il a sous les yeux est bien réel. Durant 6 h 45, le commanditaire présumé de l’affaire Pastor a été auditionné, hier, par la cour d’assises d’Aixen-Provence. À l’invite du président, Wojciech Janoswki, 69 ans, s’est tout de suite lancé dans une déclaration préliminaire hors sol : détails de comptes bancaires, hypothèques, achats de maisons, de bateaux – « après la maladie de Sylvia, nous avons dû nous adapter, en racheter un autre » –, et même un couplet sur la guerre IranIrak. Rien sur deux vies enlevées par des assassins. Une prestation qui a soulevé un véritable malaise. Ce sentiment culminera si haut que son avocat, Me Eric Dupond-Moretti, devra l’interrompre à deux reprises. « Tout le volet financier, on en reparlera, on discutera de tout », lui promet l’avocat. Sur le banc des parties civiles, les avocats grondent : « Et Madame Pastor, et Mohamed Darwich dans tout ça, on n’entend parler que de bateaux ! » Incident d’audience. Me DupondMoretti monte au charbon, grommelle, rappelle la présomption d’innocence et lance : Wojciech Janowski apparaissait hier à l’audience quasi exactement comme sur cette photo d’archives, bien mis, cheveux argent. Mais c’est son attitude qui a marqué son audition devant la cour.
Pastor a toute la journée redit sa vérité. Celle qu’il répète depuis qu’il s’est rétracté, après avoir d’abord avoué le double assassinat : «Je n’ai jamais commandité quoi que ce soit ». Et d’enfoncer le clou : « Vous n’avez aucune preuve dans le dossier. Donnez-moi une preuve ! » Plus que le discours, logique de la part d’un accusé qui se défend, c’est son attitude qui a marqué l’audience. L’ex-consul honoraire de Pologne, droit, toisant la salle, a semblé vouloir mener les débats. Tour à tour tançant le président, rabrouant la défense, exigeant que Pierre Cortes, l’avocat général, soit plus précis – «ne déformez pas mes propos ! » –, accusant un de ses anciens conseils de l’avoir
volé, félicitant tel autre pour sa précision, citant les cotes du dossier de mémoire. À la manoeuvre, face à des jurés interloqués, le gendre distribue les bons et les mauvais points.
Le grand déballage
Un « show » qui a laissé abasourdi le banc des parties civiles, notamment Sylvia (son ex-compagne) et Gildo, tous deux enfants de la milliardaire assassinée. Dans la salle d’audience, on remarquait également hier la fille de Sylvia Rathowski. Mais aussi Patrice Pastor, neveu de la milliardaire, patron de « J.B. Pastor & fils », l’entreprise historique du clan. Ou encore l’ex-mari de la milliardaire assassinée, Claude Pallanca. L’attitude hors sol de l’exconsul honoraire, ses accusations contre certains membres du clan : la famille,
habituée à la discrétion, a dû composer avec un grand déballage quasi nauséeux. Lors de ces 6 h 45, Wojciech Janowski est souvent revenu sur les conditions de sa garde à vue. « Un massacre », des « bourreaux », de la « torture ». Il n’a pas eu de mots assez durs. « Elle a été particulièrement violente. Je n’ai pas dormi, j’ai mangé des choses que jamais notre chien n’aurait mangées. Je ne pensais pas que ça existait, sauf peut-être en Afrique ? » Janowski a décrit sa bellemère, Hélène Pastor, comme une femme « travailleuse », « agressive », « malade », « jalouse de tout, de moi inclus ». Ce qui ne l’a pas empêché d’affirmer, sans redouter la
contradiction : «Je vous confirme que nos rapports étaient excellents. Chaque soir, c’est moi qui répondais quand elle téléphonait à la maison. Il n’y avait rien à dire de mal sur nos relations. » À l’interruption d’audience, Patrice Pastor confie ne pas du tout reconnaître sa tante dans le portrait dressé par l’accusé. « J’attends que la justice fasse son oeuvre », souffle-til. Les relations de Janowski avec son coach sportif, Pascal Dauriac, ont ensuite été minutieusement épluchées, à la fois par l’avocat général et les parties civiles. Mercredi, le coach avait affirmé à la barre que Janowski lui avait demandé de chercher quelqu’un « pour l’aider à liquider la vieille ».
Des pressions de Dauriac
Que nenni se défend le gendre. Selon lui, c’est Dauriac qui exerçait au contraire des pressions sur lui. C’est pour cela qu’il lui aurait versé de l’argent. Pas pour faire assassiner sa belle-mère. Janowski, l’autoritaire, mené par le bout du nez par son coach sportif ? L’avocat général ne semble pas y croire une seconde. Il vient lui rappeler les déclarations de Sylvia, sa compagne, qui démentent une telle possibilité. Dans le box, le gendre d’Hélène Pastor contre attaque, mord, reprend, pinaille, précise, interrompt, rétorque. Sa manière est policée, mais il enlise le débat dans la confusion permanente. Il ne lâche pas pour autant sa ligne de défense. Il est innocent. Dominique Mattei, l’avocat de son ex-compagne Sylvia, s’étonne de le voir si calme, serein face aux accusations de Dauriac. « Ce n’est pas parce que je suis calme que je suis coupable », rétorque l’accusé. Qui aurait donc pu commanditer ce meurtre, si ce n’est lui ? À cette question simple de l’avocat général, Wojciech Janowski n’a eu aucune réponse à fournir. « Si je le savais, je le dirais tout de suite. Je ne sais pas. » Me Eric Dupond-Moretti vole à sa rescousse. Pointant un doigt accusateur vers les parties civiles et l’accusation, l’avocat déclare, ironique : «On est tellement certain qu’il est coupable ! Ce n’est même plus à démontrer, c’est un axiome. Vous tous aux aguets, tous à la chasse ! »
Donnez-moi une preuve ! ” Vous êtes tous aux aguets, à la chasse ! ”