GPA et « mère d’intention » : la Cour de cassation « doute »
Le couple Mennesson, qui bataille depuis 18 ans pour que soit reconnu son lien de filiation avec ses jumelles nées par gestation pour autrui (GPA) à l’étranger, a obtenu, hier, la saisine de la justice européenne au sujet de la « mère d’intention », qui a élevé l’enfant mais n’en a pas accouché. « C’est une victoire d’étape », s’est félicité devant la presse Patrice Spinosi, avocat de ce couple dont le cas est devenu emblématique dans ce domaine: « Nous avons fait douter la Cour de cassation. » Cette « mère d’intention » peut-elle être reconnue en droit français comme seule mère ? Amenée à statuer pour la première fois sur ce point, la formation la plus sole nnelle de la Cour de cassation, l’assemblée plénière, a décidé d’attendre l’avis consultatif de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour se prononcer. La haute juridiction réexaminait la demande de ce couple qui réclame depuis 2000 et la naissance par GPA de ses jumelles Fiorella et Valentina en Californie, où ce procédé est légal, la transcription pure et simple en droit français des actes de naissance. Sylvie et Dominique Mennesson, installés en région parisienne, apparaissent sur ces documents californiens comme père « génétique » et mère « légale ». La mère porteuse n’est pas mentionnée.
Evolution de la jurisprudence
En 2011, la Cour de cassation avait refusé la transcription de ces actes de naissance en droit français, mais les Mennesson avaient ensuite fait condamner la France par la CEDH en 2014, décision ouvrant la voie à ce réexamen. Depuis, la jurisprudence de la Cour de cassation a évolué : les enfants nés par GPA à l’étranger peuvent avoir deux parents légaux en France, reconnaissance devant toutefois passer par l’adoption pour le conjoint du parent biologique. La reconnaissance de l’entière paternité de Dominique Mennesson est aujourd’hui acquise, puisqu’il est père biologique des jumelles. C’est plus compliqué pour Sylvie Mennesson qui ne pouvait pas enfanter en raison d’une malformation rare et n’a aucun lien biologique avec ses filles – la mère porteuse avait reçu un don d’ovocytes d’une amie du couple. Car selon un vieux principe de droit romain repris par la loi française, la mère reste celle qui accouche.
Avis sur l’adoption
Estimant que la jurisprudence européenne est encore floue sur cette question de la « mère d’intention », la Cour de cassation étrenne un nouveau procédé en demandant l’avis préalable de la CEDH. Cela lui permet d’éviter un conflit de jurisprudence avec les juges de Strasbourg qui, déjà saisis de la question par d’autres voies, devaient dans tous les cas la trancher à moyenne échéance. La Cour de cassation a aussi demandé l’avis de la CEDH sur la solution qu’elle propose jusqu’ici au parent non biologique, l’adoption. Ce qui fait dire à Me Spinosi que cette jurisprudence « est aujourd’hui obsolète ».