« Banksy incarne notre époque »
Après la médiatique « autodestruction» d’une oeuvre à 1 million d’euros, vendredi, le galeriste toulonnais Jean-François Ruiz, passionné de street art, décrypte la démarche artistique de Banksy
En quelques heures, l’image a fait le tour du monde : à peine adjugée pour quelque 1,2 million d’euros une oeuvre de Banksy s’est autodétruite en pleine salle des ventes. Une destruction revendiquée depuis par l’artiste, qui avait installé une broyeuse à papier dans le cadre. Un véritable «happening» qui ne surprend, pas Jean-François Ruiz. Le fondateur de la galerie Lisa (située rue Pierre-Sémard) est passionné de street art en général et du travail de Banksy en particulier. Après avoir visité une de ses installations en 2015 en Angleterre, il vient de se rendre à Bethléem et a séjourné un hôtel entièrement décoré à la sauce Banksy.
Ce qui s’est passé à Londres vous a-t-il surpris ?
Pas vraiment. Ce qui est surprenant, en soit, c’est qu’une de ses oeuvres se retrouve à la vente. Après, interpeller, surprendre, casser les codes, tout cela fait partie de l’ADN de Banksy.
On présente cette destruction contre un message politique ?
Bien sûr, on retrouve le côté « art éphémère » cher à Banksy, mais j’y Comme Banksy le préconise aux visiteurs de son « hôtel » de Bethléem, Jean-François Ruiz a laissé l’empreinte de sa galerie. vois surtout un happening extraordinaire. Car si l’on considère l’oeuvre en question, ce n’est pas un suicide. L’événement a pris une ampleur médiatique phénoménale et la valeur de l’oeuvre partiellement détruite a dû être décuplée depuis la destruction.
Cela renforce encore un peu plus le mystère...
Absolument. Aujourd’hui, personne ne sait vraiment qui se cache derrière Banksy. Certains avancent qu’il s’agirait du leader du groupe de musique Massive
Attack, mais cela n’a pas été confirmé. Tout cela ajoute une dimension mystique.
Que dit le phénomène Banksy de notre rapport à l’art ?
A mon sens, il incarne tout à fait notre époque, il représente l’air du temps. On retrouve dans tout ce qu’il fait une volonté d’interpeller de surprendre, de faire sourire tout en s’engageant pour des causes importantes. Un peu comme ces oeuvres apparues près du Bataclan, juste après l’attentat du -Novembre. Jean-François Ruiz est allé en Israël découvrir le Wall off hôtel réalisé par Banksy. « Il était prévu que cet établissement ne dure qu’un an (Banksy aime les lieux éphémères tout comme son art) mais le succès du public en attente de découvertes subversives ne s’est pas fait attendre », explique le galeriste. « Ce véritable hôtel chico-rococo à la façade trompe l’oeil compte neuf chambres dont les prix oscillent entre € (pour le dortoir collectif reconstruit avec le surplus de l’armée israélienne), et € pour une suite digne d’un chef d’Etat corrompu (c’est Banksy lui-même qui le claironne sournoisement sur son site Internet) », s’amuse encore le Toulonnais qui a lui opté pour la chambre « Banksy » « Celle-ci est décorée de multiples objets détournés ou non qui rappellent une scène de Alice au pays des merveilles. » Un souvenir mémorable pour ce passionné de street art. « Quel plaisir de séjourner dans l’une de ces chambres chichement décorées. L’âme, l’ombre et le léger parfum de scandale dénoncé par ses peintures ». Et de finir sur une note poétique : « Sous la tête de lit de Banksy représentant un soldat israélien et un combattant palestinien qui se taquinent à coup de polochons, je peux affirmer haut et fort : “Oui ! J’ai passé une nuit avec Banksy ! Et j’ai adoré !»