L’ancien dircab d’un ex-ministre a échappé aux poursuites
Un ancien directeur de cabinet ministériel a échappé à des poursuites pour travail dissimulé sur « instruction de la hiérarchie ». La défense de Rudy Ricciotti dénonce un manque d’équité
Le procès pour « travail dissimulé » dans lequel comparait le célèbre architecte Rudy Ricciotti s’est clos hier après deux jours de débats (nos éditions d’hier). Le tribunal correctionnel de Toulon rendra sa décision le 23 novembre. Dans cette affaire, cinq personnes ont été renvoyées devant le tribunal correctionnel de Toulon, dont les anciens responsables d’une entreprise familiale de maçonnerie à La Seyne et l’architecte Rudy Ricciotti. Ce dernier est également soupçonné d’infractions aux règles d’urbanisme pour ne pas avoir déclaré les travaux de rénovation de sa propriété à Cassis au début des années 2010.
Un financier sans factures
Dans ses réquisitions, le ministère public a rappelé les enjeux de la lutte contre le travail clandestin, « nouvelle forme d’exploitation des êtres humains (..) fragilisant le tissu économique ». Et de louer « le flair »et« la pugnacité » des enquêteurs dans cette affaire sur laquelle a plané... l’ombre d’un ancien haut fonctionnaire reconverti dans le privé. En novembre 2012, les enquêteurs s’étaient rendus dans sa résidence secondaire, à Sanary-surMer. Un ouvrier tunisien, qui repeignait la façade de la maison, avait alors pris la fuite... Il était apparu que le propriétaire, issu du corps des inspecteurs des finances, n’avait pas été en mesure de produire les factures d’une partie des travaux réalisés. Et le ministère public d’évoquer cet « éminent énarque, ancien chef de cabinet à Bercy, qui a fait l’objet d’une procédure incidente. » Avant de préciser : « Nous avons eu des instructions de la hiérarchie pour ne pas [le] poursuivre.» Il n’en fallait pas plus pour que la défense de Rudy Ricciotti s’engouffre dans la brèche. « [Ce propriétaire] n’a pas été inquiété. Tant mieux pour lui. Peut-être que lui non plus ne savait pas, a relevé Me Olivier Rosato. On peut faire le même raisonnement pour M. Ricciotti.»
Un chef de chantier en ligne de mire
Le ministère public a requis une peine de quatre mois de prison avec sursis, une amende de 100 000 euros et la démolition d’une salle de cinéma (24 m2), à l’encontre de Rudy Ricciotti. Ce dernier soutient ne pas avoir eu connaissance que des ouvriers non déclarés ont travaillé sur sa propriété, par excès de confiance vis-à-vis du chef de chantier. Il conteste également avoir fait construire cette salle, évoquant le réaménagement d’une ancienne remise. Le chef de chantier – responsable aussi des travaux, moins conséquents, effectués chez « l’énarque » – a été la cible des réquisitions les plus sévères: 30 mois de prison ferme, 250 000 euros d’amende et la confiscation des deux maisons dont il est propriétaire à Régusse et à Baudinard-sur-Verdon. En défense, Me Véronique Lipari a dressé le portrait d’un homme, 60 ans, brisé par la procédure, devenu « diabétique et en invalidité ». Le prévenu clame son innocence, son avocate a demandé au tribunal de réduire à des « proportions humaines » les peines éventuellement prononcées.