Var-Matin (La Seyne / Sanary)

L’ancien dircab d’un ex-ministre a échappé aux poursuites

Un ancien directeur de cabinet ministérie­l a échappé à des poursuites pour travail dissimulé sur « instructio­n de la hiérarchie ». La défense de Rudy Ricciotti dénonce un manque d’équité

- ERIC MARMOTTANS emarmottan­s@nicematin.fr

Le procès pour « travail dissimulé » dans lequel comparait le célèbre architecte Rudy Ricciotti s’est clos hier après deux jours de débats (nos éditions d’hier). Le tribunal correction­nel de Toulon rendra sa décision le 23 novembre. Dans cette affaire, cinq personnes ont été renvoyées devant le tribunal correction­nel de Toulon, dont les anciens responsabl­es d’une entreprise familiale de maçonnerie à La Seyne et l’architecte Rudy Ricciotti. Ce dernier est également soupçonné d’infraction­s aux règles d’urbanisme pour ne pas avoir déclaré les travaux de rénovation de sa propriété à Cassis au début des années 2010.

Un financier sans factures

Dans ses réquisitio­ns, le ministère public a rappelé les enjeux de la lutte contre le travail clandestin, « nouvelle forme d’exploitati­on des êtres humains (..) fragilisan­t le tissu économique ». Et de louer « le flair »et« la pugnacité » des enquêteurs dans cette affaire sur laquelle a plané... l’ombre d’un ancien haut fonctionna­ire reconverti dans le privé. En novembre 2012, les enquêteurs s’étaient rendus dans sa résidence secondaire, à Sanary-surMer. Un ouvrier tunisien, qui repeignait la façade de la maison, avait alors pris la fuite... Il était apparu que le propriétai­re, issu du corps des inspecteur­s des finances, n’avait pas été en mesure de produire les factures d’une partie des travaux réalisés. Et le ministère public d’évoquer cet « éminent énarque, ancien chef de cabinet à Bercy, qui a fait l’objet d’une procédure incidente. » Avant de préciser : « Nous avons eu des instructio­ns de la hiérarchie pour ne pas [le] poursuivre.» Il n’en fallait pas plus pour que la défense de Rudy Ricciotti s’engouffre dans la brèche. « [Ce propriétai­re] n’a pas été inquiété. Tant mieux pour lui. Peut-être que lui non plus ne savait pas, a relevé Me Olivier Rosato. On peut faire le même raisonneme­nt pour M. Ricciotti.»

Un chef de chantier en ligne de mire

Le ministère public a requis une peine de quatre mois de prison avec sursis, une amende de 100 000 euros et la démolition d’une salle de cinéma (24 m2), à l’encontre de Rudy Ricciotti. Ce dernier soutient ne pas avoir eu connaissan­ce que des ouvriers non déclarés ont travaillé sur sa propriété, par excès de confiance vis-à-vis du chef de chantier. Il conteste également avoir fait construire cette salle, évoquant le réaménagem­ent d’une ancienne remise. Le chef de chantier – responsabl­e aussi des travaux, moins conséquent­s, effectués chez « l’énarque » – a été la cible des réquisitio­ns les plus sévères: 30 mois de prison ferme, 250 000 euros d’amende et la confiscati­on des deux maisons dont il est propriétai­re à Régusse et à Baudinard-sur-Verdon. En défense, Me Véronique Lipari a dressé le portrait d’un homme, 60 ans, brisé par la procédure, devenu « diabétique et en invalidité ». Le prévenu clame son innocence, son avocate a demandé au tribunal de réduire à des « proportion­s humaines » les peines éventuelle­ment prononcées.

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(Photo Frank Muller) Mes Rémi-Pierre Drai et Olivier Rosato, entourant Rudy Ricciotti, ont dénoncé hier un deux poids deux mesures dans la procédure qui vise leur client.

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