Var-Matin (La Seyne / Sanary)

«Ah non, aujourd’hui c’est fermé»

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C’est un scooter qui déboule sur le parking. Son conducteur a la surprise de découvrir une armada policière. Il manoeuvre, fait demi-tour et repart rapidement. « Ah non, aujourd’hui c’est fermé », raille un policier. Depuis mardi, au pied de la tour du Gère et devant la résidence Jules-Renard, la présence des forces de l’ordre a contraint les « clients » à rebrousser chemin. Tel ce couple, avec enfant sur le siège arrière, qui n’a pas demandé son reste. « Le vendredi, vous voyez des gars en véhicule de société venir s’approvisio­nner pour le week-end », commente un voisin. La banalité d’un point de vente de stupéfiant­s.

Le sombre royaume du deal

Ce carré étroit de la cité Berthe à La Seyne n’est pas n’importe où. Le trafic y est ancien, endémique et la rénovation urbaine ne l’a point enrayé. La tour du Gère, qui tire son nom de l’ancienne dénominati­on Germinal, est en état de siège et dans un état rebutant. On pousse la porte d’entrée, d’ordinaire tenue par les vendeurs – « même un médecin a dû ouvrir sa mallette pour prouver qui il était ». Ici est le sombre royaume du deal. Les lumières sont généraleme­nt cassées. Pas que les lumières. « Dans les faux plafonds, les murs, il y a des trous partout, décrit un policier. Ce sont des planques pour la drogue.» Du sol au plafond, les inscriptio­ns font florès. «Nos prénoms sont écrits », livrent des policiers de la Bac – ceux qui intervienn­ent en civil. Là, ce sont les numéros d’immatricul­ation de voitures de police. « C’est une minorité qui pourrit tout, ils sont peut-être 300 dans le trafic, pour 14 000 habitants. Il y a des gens très bien dans la cité. Eux n’ont rien demandé. Vivre ici, c’est affreux.» Derrière un angle de mur défoncé, un matelas sordide au sol. « Ici, c’est l’un des rares points où un “chouf” est présent 24 h sur 24. »

De   à   € par jour

Être présent en continu permet aux dealers d’être prévenus si les policiers montent dans les étages pour préparer des surveillan­ces. L’estimation qui circule est que le réseau peut faire ici de 6 000 à 10 000 € de chiffre d’affaires par jour. « Au niveau “orga”, ils sont très forts», reconnaît un policier. Il y a ceux qui guettent, qui patrouille­nt en scooter, qui tirent le portail du parking, qui orientent– voire trient les clients. « Avant, les vendeurs étaient du quartier. Plus maintenant. On ne les connaît plus nos “charbons”», relate une capitaine de police. Car les interpella­tions se succèdent. Les « charbonneu­rs » sont les petits vendeurs aux ordres. Souvent mineurs, voire mineurs étrangers, avec une réserve de drogue dans une sacoche qu’on jette dans les fourrés à la moindre descente de police. Quelques billets vite gagnés.

« Les mecs d’en bas »

« Les stups ont supplanté tous les autres trafics », observent des policiers de terrain. Le côté obscur de la cité a basculé depuis longtemps dans la monoactivi­té : vente de drogue version XXL. Un mammouth. Les habitants se font discrets. L’un attend que l’ascenseur soit réparé pour rentrer chez lui – cela fait deux jours. Jointe par téléphone, une habitante se désespère. « À partir de 18 h, on ne sort pas de la maison. Tout le monde a peur. » L’opération policière n’est pas passée inaperçue. « Il n’y a plus les mecs qui restent en bas, apprécie-t-elle. Mais dès que la police part, les mecs d’en bas reviennent. » Répit à durée déterminée.

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Des fauteuils jalonnent les points d’entrée de la cité : le « chouf » s’y installe pour surveiller les arrivées. Mais cette semaine, c’est une trentaine de policiers seynois qui ont squatté des parkings et occupé la place.
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