Gérard Larcher: «Les élus municipaux ont le sentiment de ne servir à rien...»
Le président du Sénat, parmi les lanceurs de l’Appel de Marseille pour les libertés locales, réclamant plus de décentralisation, se fait le porte-parole des communes, départements et régions
Les discussions sur la réforme constitutionnelle devraient reprendre en janvier, sur quelles bases ? La discussion s’est interrompue en juillet, pour cause de crise autour de l’affaire Benalla. Emmanuel Macron a fait savoir qu’elle reprendrait en janvier à l’Assemblée nationale et en mars au Sénat. Nous émettons un certain nombre de conditions. La première, qui n’est pas discutable pour nous, c’est qu’il ne doit y avoir aucune atteinte au droit du parlement. Cela ne veut pas dire, ne pas moderniser notre fonctionnement.
Et sur la réforme des institutions ?
On ne cédera pas sur la juste représentation des territoires. Ce qui n’empêche pas une réduction raisonnée du nombre de parlementaires. Le président de la République avait annoncé un chiffre de %, nous, nous disons : aucun territoire, donc aucun département ou collectivité territoriale, quelle que soit sa population, ne peut être représenté par moins d’un député et moins d’un sénateur. C’est un principe de fond, car les gens ont besoin de proximité. Après c’est une relative proportionnalité, en fonction de la population. Donc, ce n’est sûrement pas %. On est plutôt autour de - % de diminution du nombre de parlementaires : - sénateurs contre et - députés contre .
L’appel de Marseille pour les libertés locales a-t-il servi à quelque chose ?
L’autonomie financière des collectivités locales est un sujet important. L’appel de Marseille a considérablement porté. Le président, je crois, a pris conscience que la confiance était rompue entre l’exécutif et les élus, et que ceci était ressenti aussi par une partie de la population. Ce n’est pas avec « Balance ton maire », que les choses allaient s’améliorer.
Mais la volonté de recentralisation par le gouvernement est toujours d’actualité ?
On attend des gestes du gouvernement. La contractualisation limitant les dépenses de fonctionnement des régions à , % en moyenne, par an, c’est l’État central qui a décidé. C’est une obligation verticale. On est favorable à la contractualisation, mais cela doit être un vrai contrat, qui s’adapte aux réalités du terrain. Quand vous redonnez les fonds européens à gérer à l’État qui sera d’ailleurs incapable de le faire – à la place des régions, si cela ne s’appelle pas de la recentralisation, qu’est-ce que c’est ?
Les départements sont-ils aussi en souffrance ?
Il faut régler la question des mineurs étrangers non accompagnés. Il faut régler aussi le débat des fusions métropoles-départements – à Nice, les débats sont assez vifs. C’est un sujet de tension majeure. Lille, Nantes, Bordeaux ont renoncé. Il y a des interrogations à Toulouse.
Et les communes?
Il y a le problème du statut d’élu communal. Il y a des milliers de démissions, pas simplement de maires, mais aussi de conseillers municipaux. Ils ont le sentiment de ne servir à rien, dans les intercommunalités, qui ont la taille de ma chemise, c’est-à-dire XXL. Sur les relations communesintercommunalités, on propose de mettre un certain nombre de compétences en rediscussion locale. On a posé le principe de la subsidiarité. Ce que l’on peut mieux faire en proximité, pourquoi le faire dans le grand ensemble. Par exemple, la gestion de la voirie ou des espaces verts.
Que pensez-vous de la
hausse des carburants ?
Nous arrivons à des tarifs extrêmement élevés. Cela touche principalement l’espace rural ainsi que les gens qui vivent dans les petites villes et les villes moyennes, en dehors des métropoles où ils n’ont pas de système de transports collectif. Ils ont le sentiment qu’on les oublie. Ma préoccupation, c’est d’éviter que cette partie de la France, tombe dans le populisme. On nous fait une réponse très écologique mais ce n’est pas ça qui va conforter des gens, qui ont des revenus modestes et qui sont obligés d’utiliser leur automobile. C’est une mesure, qui est ressentie, par les classes modestes ou moyennes, comme une pénalisation.
L’Europe doit-elle changer ?
Ma vision de l’Europe est un peu différente de celle du président. Il faut d’abord que l’on sorte du dossier du Brexit. Mais je ne vois pas l’Europe divisée par un axe Rome-Varsovie, où à l’est de cet axe, ce serait l’Europe du mal et à l’ouest, l’Europe du bien. D’un côté les populistes et de l’autre les bons démocrates. Je pense que l’Europe, il faut la construire ensemble, et je n’ai pas de sympathie pour les positions de Viktor Orbán ou de Matteo Salvini. Mais il faut une Europe qui gère les sujets, par exemple, les migrations. Elle doit répondre aux questions des citoyens, les protéger. Sinon un matin on se réveillera italien. Elle doit construire des projets, mais aussi protéger son industrie, son agriculture. Je pense que beaucoup de Britanniques se rendent compte que le Brexit est une faute contre l’avenir du Royaume-Uni. Les Français doivent donc bien réfléchir, quand ils entendent les propositions de Mme Le Pen et de ses amis contre l’Europe et l’Euro.
‘‘ Ma préoccupation, c’est d’éviter que cette partie de la France, tombe dans le populisme. ”