« Un mouvement très soutenu par l’opinion »
Questions à Jérôme Sainte-Marie, sondeur et politologue
Jérôme Sainte-Marie (ancien élève du lycée Masséna de Nice), était au plus près des manifestants, hier, à Paris. Il a nous a livré à chaud son analyse de la situation.
Les dégradations lors de la manifestation à Paris vontelles servir le pouvoir ?
En trente ans de manifestations parisiennes, je n’avais vu un tel désordre, des scènes de violences aussi proches des lieux du pouvoir. Les Champs-Élysées coupés, des incendies… Mais finalement, pas de pillage et peu de dégradations de boutiques. Le gouvernement, qui pouvait imaginer l’emporter sans rien céder, est en mauvaise posture. Pas sûr que ces images spectaculaires aient un impact négatif sur l’opinion publique. Une partie de la France peut être encore plus exaspérée par l’incapacité du pouvoir à maintenir l’ordre.
La composition sociologique reste-t-elle la même ?
Oui. Ce sont des travailleurs pauvres, pas des exclus. Ils ont une activité professionnelle mais vivent dans l’insécurité financière malgré leurs revenus. Le noyau dur est une France populaire (plutôt proche du RN et de la France Insoumise) avec des représentants de la classe moyenne.
L’opinion restera-t-elle favorable aux gilets jaunes après cette journée ?
En , le mouvement avait basculé grâce à un débouché politique, en l’occurrence la dissolution. Là, il n’y a aucune proposition. Le discours sur la transition écologiste est en décalage, pas pertinent. A contrario, ce mouvement de contestation est très large, transversal, très bien réparti sur le territoire avec des mots d’ordre généraux. Il est très largement soutenu. Malgré les deux morts et les blessés, selon Odoxa, % des Français le soutiennent. Même si une minorité forte en approuve les modalités, le soutien de principe est là. Les seuls hostiles aux gilets jaunes sont les électeurs LREM. La France qui a voté oui à l’Europe et à Macron.
On entend beaucoup de «Macron démission», un Président élu par les urnes.
Ça rappelle que le Président est tombé à % d’opinion favorable. Ce n’est pas qu’une donnée abstraite d’un institut de sondage.
Le mouvement semble parvenir à se tenir à distance des syndicats et des partis.
Ce mouvement est remarquablement peu encadré. Les partis sont très partagés et ne veulent pas apparaître comme récupérateurs. Ce mouvement marque surtout la rupture définitive entre la gauche et la classe populaire. Un mouvement social de cette ampleur est toujours un accélérateur du temps.