L’année de tous les dangers pour un pouvoir fragilisé
Les mois qui s’annoncent sont ceux de tous les dangers pour un pouvoir fragilisé, qui entend toutefois continuer à avancer sur plusieurs sujets sociaux et sociétaux qui sont autant de mines
L’année de toutes les incertitudes. C’est peu dire que 2019 s’ouvre à tous les vents imaginables. 2016, 2017, 2018, envisagées si prévisibles, ont déjà mis sens dessus dessous notre démocratie. Au moins, cette fois, ne sera-t-on plus surpris en cas de nouveau remue-ménage, quasiment… programmé. Si les Gilets jaunes et le Grand Débat qui leur a été concédé ont bousculé l’agenda du pouvoir, plusieurs dossiers restent sur la table, appelés à être traités dans l’année, dont la réforme de l’assurance-chômage, celle des retraites et la révision constitutionnelle. Emmanuel Macron l’a répété lors de ses voeux : il entend continuer à aller de l’avant.
Gilets jaunes, le début de la fin ?
Combien de temps encore ? Le mouvement des Gilets jaunes est une telle auberge espagnole qu’on perçoit mal ce qui pourrait en résulter de concret, hormis les gains de pouvoir d’achat consentis par le gouvernement. Les cahiers de doléances en attestent : des revenus décents et le RIC mis à part, les revendications partent dans tous les sens. Chacun voit midi à sa porte. Au coeur de cette fraternité du ras-le-bol, sans socle idéologique, se mêlent dans un improbable serronsnous-les-coudes des sensibilités frontistes et communisantes. La surprise d’avoir fait plier le gouvernement a viré à la griserie chez les plus remontés. Mais sauf à vouloir instaurer l’anarchie ou le communisme, si sympathique puisse paraître à certains cette grande pagaille défiante, elle est sans doute vouée à s’assoupir, comme Nuit debout avant elle…
Grand Débat, le grand flop ?
Parce qu’il est une réponse d’urgence, presque de débandade, il ne faut pas attendre grand-chose du Grand Débat : le peuple veut tout et son contraire, le gouvernement est bien en peine de cadrer tout cela… En bonne logique, il est à craindre que la montagne accouche d’une souris. Au final, on en reviendra à l’essence même de notre démocratie, qui n’est pas la pire : l’exécutif et les parlementaires en tireront quelques projets et propositions de loi. Avec peut-être à la clé un référendum pour trancher des questions institutionnelles, histoire d’acter que souffle un esprit nouveau.
Européennes et fièvre jaune
On nous les a présentées des mois durant comme le combat final entre progressistes et souverainistes. La dernière chance pour refonder une Europe devenue un repoussoir. Puis les Gilets jaunes sont passés par là, qui vont rabougrir les Européennes à des préoccupations franco-françaises. Le Rassemblement national, contextes hexagonal et européen aidant, en sera le favori. Mais paradoxalement, l’émergence de listes teintées de jaune pourrait lui causer du tort et permettre aux Européistes, dont Macron va se poser en héraut, de faire jeu presqu’égal. En 2014, avec huit listes en présence, le FN était arrivé en tête avec 24,86 % des suffrages, devant l’UMP (20,81 %) et le PS (13,98 %).
Trois réformes sociales brûlantes
La réforme de l’assurance-chômage et celle des retraites. Ce sont, sur le papier, les deux grands dossiers à risques pour l’exécutif cette année. Concernant le premier, la feuille de route imposée aux partenaires sociaux est de favoriser le retour à l’emploi durable, réduire la précarité et désendetter l’Unédic, le tout en économisant trois à quatre milliards sur les 35 milliards annuels d’allocations. L’objectif de la réforme des retraites a également été tracé : remplacer les quarante-deux régimes existants par un régime unique universel, où chaque euro cotisé ouvrira les mêmes droits, dans le public comme le privé. La règle des vingt-cinq meilleures années dans le privé et des six derniers mois dans le public aura alors vécu. Le futur système restera toutefois fondé sur la répartition et non sur la capitalisation. L’âge légal de départ sera maintenu à 62 ans, le nouveau régime étant voué à entrer en vigueur à partir de 2025. Le big-bang de la fonction publique est également prévu pour cette année. Le climat social délétère en amortira-t-il la radicalité ? Le gouvernement souhaite développer le recours aux agents contractuels et la rémunération au mérite, le cap initial étant de supprimer 120 000 fonctionnaires, dont 50 000 dans la fonction publique nationale, durant le quinquennat. Le gouvernement n’en a par ailleurs pas fini avec la patate chaude d’une fiscalité écologiste équitable. Elle devrait passer par la mise en place d’une « prime de mobilité travail », sachant que doit en outre être réglée la lancinante question de la compensation, pour les collectivités locales, de la suppression de la taxe d’habitation.
Institutions, évolutions en attente
La réforme des institutions, reportée l’été dernier suite à l’affaire Benalla, l’est de nouveau jusqu’après le Grand Débat, afin d’intégrer les propositions qui en sortiront. Pour réduire le fossé entre le peuple et les élus, plusieurs jalons avaient déjà été posés : limitation à trois mandats identiques, réduction de 30 % des parlementaires, introduction de 15 % de proportionnelle aux législatives. Pour donner du grain à moudre aux Gilets jaunes, l’éventualité d’un référendum à choix multiples sur ces différentes pistes est, semble-t-il, à l’étude.
Trois sujets de société clivants
Au chapitre sociétal, trois sujets devraient dominer l’année : la mise en oeuvre du service national universel, l’extension de la PMA et une possible refonte de la loi de 1905. Le SNU n’est pas encore définitivement ficelé. Il devrait comporter une session obligatoire d’un mois, vers 16 ans, et un volet facultatif destiné aux jeunes désireux de s’engager dans la culture, la défense, l’environnement, l’aide aux personnes, le tutorat… Les lycéens ne sont pas très chauds, même si ce service universel est loin de les envoyer à la mine ! Une première vague de volontaires devrait participer à une phase d’expérimentation au début de l’été. La PMA sera-t-elle étendue aux couples lesbiens et aux femmes seules ? En vertu de la révision périodique des lois de bioéthique, un projet de loi doit être déposé en ce sens. L’opinion y paraît plutôt favorable. Mais les cahiers de doléances récemment ouverts ont vu refleurir des diatribes y compris contre le mariage pour tous. Chez ceux qui rejettent l’extension de la PMA, au regard du principe d’égalité qui justifiera d’ouvrir ensuite la GPA aux couples d’hommes, l’hostilité est épidermique. Christophe Castaner envisage enfin un toilettage de la loi sur la laïcité, avec pour triple objectif de mieux intégrer l’islam dans la République, de rendre son financement plus transparent et de mieux contrôler les dérives extrémistes grâce à un label qui serait délivré par l’État. Mais déjà, les apôtres de la loi de 1905 crient à un ajustement de circonstance qui ne serait qu’un accommodement de plus. Bon courage, Manu !