Un ajustement des 80 km/h sur la table
À l’occasion du Grand Débat, le Président a déclaré, hier, face aux six cents maires qu’il avait réunis : « Il faut ensemble que l’on trouve une manière plus intelligente de la mettre en oeuvre. Il n’y a pas de dogme. »
Dans un dialogue fleuve de sept heures, Emmanuel Macron s'est notamment déclaré ouvert, hier, à des aménagements pour faire en sorte que la limitation de la vitesse à 80 km/h sur les routes secondaires soit « mieux acceptée » par les Français tout en étant « efficace ». « Il faut ensemble que l'on trouve une manière plus intelligente de le mettre en oeuvre. Il n'y a pas de dogme » adéclaré le président, en appelant les maires à « faire des propositions » sur ce dossier qui « fait partie du débat ». « Au fond, l'objectif c'est de réduire le nombre de morts sur les routes. Personne ne peut être contre », a-t-il ajouté en s'adressant à six cents maires normands rassemblés pour le lancement du Grand Débat à Grand Bourgtheroulde (Eure). « Il y a des propositions qui ont été faites par le gouvernement, il y a une bronca. Est-ce qu'il faut tout arrêter ? Franchement non .... Est-ce qu'on faire quelque chose qui soit mieux accepté et plus intelligent, sans doute oui » ,a poursuivi le chef de l'État. Il a pour cela évoqué des propositions faites au niveau local car «il n'y a pas de président de conseil départemental qui n'ait pas pris ses responsabilités sur la vitesse » sur les routes les plus dangereuses. Mise en oeuvre durant l'été 2018, la limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes secondaires est une mesure impopulaire, en particulier parmi les « gilets jaunes ». Près de 60 % des radars ont été vandalisés depuis le début de leur mouvement. Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner avait indiqué, lundi, que l'abandon de cette mesure portée par le Premier ministre Édouard Philippe restait une option pour le gouvernement. « Nous nous sommes engagés à évaluer le résultat des 80 km/h au bout de deux ans », a rappelé le ministre dans un entretien au quotidien La Dépêche , et « si cette mesure n'a servi à rien, alors oui nous pourrons revenir au 90 km/h ». Emmanuel Macron a passé de longues heures, hier, à échanger avec ces élus normands inquiets. Pour la première fois, le chef de l'Etat a nommé publiquement les « gilets jaunes », ce qu'il avait évité depuis le début de leur mobilisation il y a deux mois. Cette crise est « une chance » pour « réagir plus fort » et continuer à réformer plus profondément, a-t-il plaidé. Il s'est même fait le reproche de ne pas avoir suffisamment impliqué les Français depuis son élection.
« La France est malade »
A Grand Bourgtheroulde, Emmanuel Macron a écouté les maires énumérer une longue liste des « doléances » de leurs administrés. « La France est malade. Il y a une grande souffrance », a témoigné l'un d'eux. Et les élus de citer le pouvoir d'achat, la justice fiscale, le niveau des retraites ou l'affaiblissement des services publics en milieu rural. D'autres ont défendu des dossiers précis, comme le cas de la maternité de Bernay, condamnée à la fermeture. « Toutes ces fractures, on les a devant nous, et d'un seul coup, les choses s'effritent », a reconnu le chef de l'Etat, citant son prédécesseur Jacques Chirac et sa fracture sociale. Courtois mais insistants, les élus ont suggéré plusieurs réformes: baisser la TVA sur les produits de première nécessité, rendre des compétences aux maires, rendre le vote obligatoire... D'autres en ont profité pour protester contre des normes. « Faites confiance aux maires », ont réclamé les élus.
Les personnes pauvres « qui déconnent »
Et Francis Courel, maire de Saint-Philbert-sur-Risle (Eure), a salué comme plusieurs de ses collègues les « gilets jaunes » comme l'exemple d'un « réveil démocratique ». Emmanuel Macron a retrouvé des accents de campagne pour répondre en détail sur tous les dossiers. Il a ainsi défendu son programme économique, la suppression de l'ISF et la hausse de la CSG. Offensif, il a mêlé logique, chiffres et formules choc, parfois émaillées d'argot. Après avoir fustigé à Gasny les personnes pauvres « qui déconnent » , il a lancé à Grand Bourgtheroulde : «Il ne faut pas raconter de craques, c'est pas parce qu'on rétablira l'ISF que les “gilets jaunes” iront mieux. C'est de la pipe. »