« Même les Anglais ne savent plus où ils en sont ! »
Pr Daniel Orban,
Ancien expert-conseiller à la Commission européenne, auteur d’une dizaine d’ouvrages sur l’Europe et postulant à la liste LREM aux européennes, le Cagnois Daniel Orban décrypte les possibles effets du rejet, hier soir, de l’accord porté par Theresa May.
Le texte rejeté, que peut-il se passer ?
Theresa May a jusqu’à mardi prochain pour présenter un plan B. Cela lui donne une espèce de chance d’obtenir des aménagements à l’accord négocié avec l’Union européenne (UE). Sauf que l’UE ne veut plus bouger d’un iota ! Et vu le résultat, je ne vois pas trop comment on peut sauver le soldat Theresa May... Cela va amener à un no deal : le Royaume-Uni devient un pays tiers, soumis aux règles générales de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) : rétablissement des droits de douanes, des visas, renégociation d’accords qui vont tomber à l’eau... La motion de défiance est arrivée très rapidement de la part des travaillistes, et avec elle, la perspective de nouvelles élections à l’issue très incertaine. Certains ont même demandé un nouveau référendum. En résumé, c’est un pataquès à l’anglaise : même les Anglais ne savent plus où ils en sont !
À quels effets concrets peut-on s’attendre ?
Derrière tout ceci peut se profiler une désagrégation du RoyaumeUni. Les Ecossais, très proeuropéens, n’attendent que cela ! Le problème de l’Irlande va se poser aussi, même si le rapprochement entre les deux Irlande reste compliqué, compte tenu de leurs différences religieuses. Les Anglais vont bientôt comprendre leur « bonheur », entre la facture du retrait et le coût de la facture économique : chômage, départ d’entreprises, baisse d’influence de la City... Une partie des Anglais a l’impression d’avoir été trompé par les tabloïds, qui ont fait campagne pour le Brexit.
Des conséquences sont-elles à prévoir, aussi, de ce côté-ci de la Manche ?
Il y aura inmanquablement des conséquences négatives pour la France, la Belgique, l’Allemagne... Les flux commerciaux vont être considérablement modifiés. Beaucoup moins de touristes vont venir. Des problèmes de pêche vont se poser. Economiquement et géopolitiquement, c’est un poids lourd de l’UE qui s’en va ! Mais l’effet peut être positif. Pendant plus de quarante ans, le couple franco-allemand a vécu avec une belle-mère, le Royaume-Uni. Son départ est peut-être une occasion de lancer une refondation de l’Europe.