TGV Lyon-Turin : une ligne qui ne sera jamais rentable ? Selon des experts italiens, la rentabilité de la ligne ferroviaire serait très négative. Côté français, ardent défenseur du projet, on parle d’un « étonnant parti-pris »
Le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin n’est pas rentable : c’est la conclusion sans appel de l’analyse commandée par le ministère italien des Transports, qui pourrait aboutir à un abandon du projet et envenimer encore davantage les relations entre Paris et Rome. Contesté depuis ses débuts il y a près de 30 ans mais déjà entamé, le Lyon-Turin divise profondément la coalition populiste au pouvoir à Rome. La Ligue (extrême droite) de Matteo Salvini est très favorable à ce projet cher à sa base de petits entrepreneurs, tandis que le Mouvement 5 Etoiles (M5S, antisystème) de l’autre vice-Premier ministre, Luigi Di Maio, y est farouchement opposé, y voyant un gaspillage d’argent public. La coalition a donc commandé une analyse coûts-bénéfices avant de se prononcer sur la poursuite ou l’arrêt de cette infrastructure, dont l’élément central est un tunnel de 57,5 km qui a commencé à être creusé dans les Alpes italiennes et françaises. Ce projet de ligne à grande vitesse long de 270 km vise à réduire les transports de camions pour les transférer sur le rail – avec une réduction de trois millions de tonnes de CO2 par an selon la société franco-italienne Telt chargée des travaux – et à diviser par deux le temps de trajet pour les passagers, en mettant Turin à deux heures de Lyon. Mais selon le rapport de 79 pages rendu public mardi, cette ligne « présente une rentabilité très négative », avec des coûts supérieurs de 7 milliards d’euros à ses bénéfices d’ici à 2059. Paris étant favorable au projet, ce dossier risque de devenir un point de discorde supplémentaire entre les deux capitales, à couteaux tirés. La France a rappelé jeudi son ambassadeur en Italie après une série de déclarations jugées « outrancières » de responsables italiens.
Méthodologie contestée
Le rapport risque aussi de créer de nouvelles tensions au sein de l’exécutif, au risque, selon certains commentateurs, de le faire chuter, tant l’opposition est forte entre la Ligue et le M5S sur ce dossier. La composition et la méthodologie de la commission sont également contestées. L’Union européenne, qui a déjà injecté plusieurs centaines de millions d’euros dans le projet, a souligné récemment que sa suspension « mettrait en question l’accord de subvention en cours, et pourrait conduire à sa résiliation et au recouvrement total ou partiel des sommes déjà versées ».