« Mieux sanctionner les fautes de gestion des élus locaux »
En visite hier à Marseille, le président de la Cour des comptes a – de nouveau – dénoncé une situation de « quasi-immunité » des élus locaux en matière de discipline budgétaire
L’ombre des Gilets jaunes a plané hier, à Marseille, sur la rituelle « audience solennelle » de la chambre régionale des comptes de ProvenceAlpes-Côte d’Azur, chargée de veiller au bon usage de l’argent public, notamment en soumettant les collectivités locales à des contrôles et d’en rendre compte à la population (en 2018, huit rapports ont été publiés concernant des communes varoises). « Quand on oublie le citoyen, il se rappelle à nous (...) Si on ne l’entend pas bien, il le fait savoir », a lancé Nacer Meddah, président de la juridiction administrative financière régionale, devant un parterre d’élus, de magistrats et de hauts fonctionnaires. « [Le citoyen] ne veut pas que du pouvoir d’achat, il réclame également de la justice et du service public .» Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, qui a fait le déplacement à Marseille hier, évoque « des attentes envers la performance de l’action publique ». Tout en plaidant pour que les efforts engagés pour le redressement des comptes publics soient poursuivis, « après huit années ininterrompues de baisse de notre déficit public .»
« Dénoncer les mauvaises gestions »
Dans ce contexte, et à l’heure du Grand débat national lancé pour répondre à la crise des Gilets jaunes, la chambre régionale des comptes estime que son rôle s’en trouve renforcé. « Qu’attend exactement le citoyen de nous ?, fait mine de s’interroger Nacer Meddah. Il exige d’être correctement informé sur la chose publique. Pour éviter qu’il ne s’égare sur le terrain des préjugés, qu’il ne soit instrumentalisé, il nous faut l’éclairer sur la réalité de la gestion publique. Il nous faut lui faire savoir quels ont été les progrès réalisés, quelles sont les difficultés qui demeurent et dénoncer les mauvaises gestions .» Évoquant une arme anti fake news, Didier Migaud considère ainsi que les juridictions financières, « par les travaux qu’elles rendent publics »,« contribuent à la bonne information des citoyens, en leur fournissant des éléments objectifs, étayés, contredits et vérifiés, sur l’emploi de l’argent public ».
« Une plus grande responsabilisation »
Sur le plan de « la transparence des décideurs publics », le premier président de la Cour des comptes a regretté que les élus locaux (sauf cas très particuliers) ne soient pas susceptibles d’être poursuivis devant la Cour de discipline budgétaire et financière – une instance méconnue chargée de sanctionner, avec des amendes pécuniaires, les atteintes (qui ne relèvent pas de la justice pénale) aux règles en matière de finances publiques. « À sa création, en 1948, il avait été fait le choix d’écarter les personnes détenant un mandat électif local de son champ d’intervention, explique Didier Migaud. Cette décision reposait sur le fait que les élus, contrairement aux autres gestionnaires publics, bénéficient d’une légitimité démocratique dont la contrepartie serait la mise en jeu de leur responsabilité devant les électeurs .» Cette « quasi-immunité juridictionnelle » n’a jamais été remise en cause, alors que « le poids du service public local s’est considérablement accru, sous l’effet de la décentralisation et des transferts de compétence .» Et Didier Migaud d’enfoncer le clou, décrivant « un contexte où l’irrégularité et la faute de gestion sont de moins en moins acceptées par nos concitoyens ».« Une plus grande responsabilisation est nécessaire .» « Entre le risque d’une pénalisation excessive des décisions de gestion et celui d’une forme d’irresponsabilité financière, je suis convaincu qu’il existe une place pour une responsabilité administrative proportionnée, de nature à sanctionner, à un juste niveau, les fautes de gestion et les manquements aux règles budgétaires et comptables .»