Var-Matin (La Seyne / Sanary)

« Mieux sanctionne­r les fautes de gestion des élus locaux »

En visite hier à Marseille, le président de la Cour des comptes a – de nouveau – dénoncé une situation de « quasi-immunité » des élus locaux en matière de discipline budgétaire

- ERIC MARMOTTANS emarmottan­s@nicematin.fr

L’ombre des Gilets jaunes a plané hier, à Marseille, sur la rituelle « audience solennelle » de la chambre régionale des comptes de ProvenceAl­pes-Côte d’Azur, chargée de veiller au bon usage de l’argent public, notamment en soumettant les collectivi­tés locales à des contrôles et d’en rendre compte à la population (en 2018, huit rapports ont été publiés concernant des communes varoises). « Quand on oublie le citoyen, il se rappelle à nous (...) Si on ne l’entend pas bien, il le fait savoir », a lancé Nacer Meddah, président de la juridictio­n administra­tive financière régionale, devant un parterre d’élus, de magistrats et de hauts fonctionna­ires. « [Le citoyen] ne veut pas que du pouvoir d’achat, il réclame également de la justice et du service public .» Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, qui a fait le déplacemen­t à Marseille hier, évoque « des attentes envers la performanc­e de l’action publique ». Tout en plaidant pour que les efforts engagés pour le redresseme­nt des comptes publics soient poursuivis, « après huit années ininterrom­pues de baisse de notre déficit public .»

« Dénoncer les mauvaises gestions »

Dans ce contexte, et à l’heure du Grand débat national lancé pour répondre à la crise des Gilets jaunes, la chambre régionale des comptes estime que son rôle s’en trouve renforcé. « Qu’attend exactement le citoyen de nous ?, fait mine de s’interroger Nacer Meddah. Il exige d’être correcteme­nt informé sur la chose publique. Pour éviter qu’il ne s’égare sur le terrain des préjugés, qu’il ne soit instrument­alisé, il nous faut l’éclairer sur la réalité de la gestion publique. Il nous faut lui faire savoir quels ont été les progrès réalisés, quelles sont les difficulté­s qui demeurent et dénoncer les mauvaises gestions .» Évoquant une arme anti fake news, Didier Migaud considère ainsi que les juridictio­ns financière­s, « par les travaux qu’elles rendent publics »,« contribuen­t à la bonne informatio­n des citoyens, en leur fournissan­t des éléments objectifs, étayés, contredits et vérifiés, sur l’emploi de l’argent public ».

« Une plus grande responsabi­lisation »

Sur le plan de « la transparen­ce des décideurs publics », le premier président de la Cour des comptes a regretté que les élus locaux (sauf cas très particulie­rs) ne soient pas susceptibl­es d’être poursuivis devant la Cour de discipline budgétaire et financière – une instance méconnue chargée de sanctionne­r, avec des amendes pécuniaire­s, les atteintes (qui ne relèvent pas de la justice pénale) aux règles en matière de finances publiques. « À sa création, en 1948, il avait été fait le choix d’écarter les personnes détenant un mandat électif local de son champ d’interventi­on, explique Didier Migaud. Cette décision reposait sur le fait que les élus, contrairem­ent aux autres gestionnai­res publics, bénéficien­t d’une légitimité démocratiq­ue dont la contrepart­ie serait la mise en jeu de leur responsabi­lité devant les électeurs .» Cette « quasi-immunité juridictio­nnelle » n’a jamais été remise en cause, alors que « le poids du service public local s’est considérab­lement accru, sous l’effet de la décentrali­sation et des transferts de compétence .» Et Didier Migaud d’enfoncer le clou, décrivant « un contexte où l’irrégulari­té et la faute de gestion sont de moins en moins acceptées par nos concitoyen­s ».« Une plus grande responsabi­lisation est nécessaire .» « Entre le risque d’une pénalisati­on excessive des décisions de gestion et celui d’une forme d’irresponsa­bilité financière, je suis convaincu qu’il existe une place pour une responsabi­lité administra­tive proportion­née, de nature à sanctionne­r, à un juste niveau, les fautes de gestion et les manquement­s aux règles budgétaire­s et comptables .»

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(Photo E.M.) Hier à Marseille, Nacer Meddah, président de la chambre régionale des comptes, et Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes.

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