Var-Matin (La Seyne / Sanary)

La folie tattoo s’empare aussi des seniors

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Dominique, 64 ans, a subi quatorze opérations depuis qu’une première tumeur s’est déclarée. « Le cancer était invasif. C’est moi qui ai fini par demander au chirurgien, après plusieurs récidives, de tout retirer. Je n’en pouvais plus. » Mastectomi­e, prothèse, cicatrices ; les dégâts, terribleme­nt visibles, lui ont gâché ses ultimes pulsions de vie. Une infirmière, avec bonne volonté mais maigre talent, a tenté de tout camoufler avec un tatouage malhabile, pâle évocation d’un mamelon. « Jusqu’au jour où un autre chirurgien, succédant à celui qui m’avait massacrée, m’a parlé de Tony. » « J’y suis allée, on a discuté, il m’a demandé ce que je voulais, j’ai pensé à une branche de cerisier. Un symbole de renaissanc­e. » Sa renaissanc­e, Dominique la doit à la médecine et à ce tatoueur, Tony Maritato, sans qui elle ne pourrait toujours pas se regarder. « Vous sortez de la douche et ce que vous voyez ne ressemble à rien. Puis, ce résultat magnifique, quelque chose de beau qui fait que vous n’êtes plus la même. » Dominique l’a fait pour elle. « Je vis seule depuis que mon compagnon m’a gentiment remerciée. C’était après que la maladie se fut déclarée. Il avait honte. Je n’avais plus qu’un sein, les traitement­s m’avaient fait prendre du poids. Pour lui, je n’étais plus présentabl­e. » Elle n’a pas perdu grand-chose, à peine une moitié. N’empêche, ce « tattoo » réparateur l’a réconcilié­e avec son corps. « Moi qui ne portais que des ras-de-cou, je remets des cols en V qui laissent apparaître une fleur ou deux. » Les réactions sont positives. Toutes. À l’exception d’une voisine qui a lancé, en la voyant : «Untatouage ? A ton âge ? »

Dominique s’est surprise à lui répondre de manière cinglante : « Et alors ? Déjà, tu ne sais pas pourquoi je l’ai fait. Et de toute manière, ça ne te regarde pas. » « J’encourage tout le monde à le faire », conclut-elle. La douleur ne serait même pas une question : « Je n’ai rien senti, puisque c’est une greffe. Un lambeau prélevé dans le dos. Totalement insensible. »

Tattoo et thérapie

Tony Maritato a vingt-cinq ans d’ancienneté. C’est donc lui qui a officié. « Le cancer du sein touche à la féminité. Même à soixante ans, on préfère avoir un beau tatouage plutôt qu’une grosse cicatrice sur la poitrine. » Dans le cas de Dominique, une séance a suffi. Soit une dépense de quelques centaines d’euros. Installé depuis trois ans à Cabris (Alpes-Maritimes), Tony exerçait auparavant à Antibes-Juan-les-Pins (Alpes-Maritimes). « J’ai attendu de trouver un bel endroit. Un lieu qui ne ressemble pas à une boutique au coin d’une rue. » D’autres se sont lancés entre-temps. « Tout le monde s’est jeté sur le 3 D : tatoueurs, esthéticie­nnes, étudiants, certains proposant leurs services dans les hôpitaux, où l’on trouve même des infirmière­s qui suivent une formation pour dessiner une aréole de substituti­on. » Y a-t-il, par ailleurs, un véritable engouement des seniors ? « Le tatouage existe depuis que l’homme existe, on en a trouvé sur des momies datant de 3 000 ans avant J.-C.. Simplement, il a fait son chemin depuis vingt ou trente ans et, aujourd’hui, tout le monde se tatoue – j’exagère à peine. »

La doyenne :  ans

La doyenne de ses clients, 84 ans, vient de se faire tatouer une rose sur l’épaule. Son tout premier tattoo. « Le simple fait que le tatouage soit de plus en plus médiatisé fait une publicité monstre. Il y a toujours un pourcentag­e de gens à qui vient l’idée en regardant la télévision. » Il s’agit, en l’occurrence, d’une « mamie de choc », résidant à Juan-les-Pins. Jeunesse d’esprit et gros sens de l’humour. «Ilya toujours une raison pour laquelle on se fait tatouer. Toujours. Ce peut être un événement marquant. De la coquetteri­e. Un pied de nez à quelqu’un qui vous mettait au défi. Là, c’est juste qu’ayant fait connaissan­ce, nous avions sympathisé. Moi, je ne suis pas tatoué ‘‘de partout’’, je ne suis pas une bête de foire. Le contact est bien passé. Comme cette dame est très marrante, elle s’est dit qu’à son âge, elle ne risquait plus rien : c’était comme une plaisanter­ie. »

‘‘ Un tatouage ? A ton âge ?”

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(Photos DR) Avant, un tatouage un peu raté et d’énormes cicatrices. Après, un trompel’oeil et le retour à la vie.
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(Photo Cyril Dodergny)

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