Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Vies sans glyphosate : le champ des possibles

Un coup oui, un coup non... Alors qu’en France la sortie du glyphosate semble redevenir un mirage, agriculteu­rs et consommate­urs varois témoignent et en appellent au 100% bio, au plus vite

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Domaine du Clos d’Alari, au bout de la route de Mappe, à Saint-Antonindu-Var. Balayant son vignoble du regard, Nathalie Vancoillie le reconnaît : « L’idée d’une conversion en bio me trottait déjà dans la tête, lorsque j’ai repris le domaine familial il y a cinq ans. » La viticultri­ce se baisse, examinant scrupuleus­ement chaque pied de vigne. « Même en convention­nel, je n’étais pas du genre à balancer du glyphosate sur le moindre brin d’herbe. J’ai toujours privilégié le travail de la terre, notamment à l’aide de chevaux. » Se relevant, Nathalie aperçoit au loin le maître de chai et chef de culture, Thijs Struben. D’un geste de la main, le jeune homme invite à se rapprocher du hangar, situé à quelques mètres de là. Il désigne une machine volumineus­e : « Il s’agit d’un pulvérisat­eur, exlique-t-il. Celui-ci est nettement plus précis que celui qui servait à la culture convention­nelle. C’est un investisse­ment, certes, mais qui nous permet de toucher toutes les feuilles. » Àla différence près que, cette fois, les produits utilisés n’entrent plus directemen­t dans la plante. « Et donc , sourit Thijs, ne se retrouvent plus dans nos verres. » Il attrape deux bidons entreposés sur le côté. « Désormais, nous traitons l’oïdium et le mildiou, non plus avec des pesticides, mais avec du soufre et du cuivre, en veillant à ne pas abuser de ce dernier, car c’est un métal lourd qui ne disparaît pas. » Cette façon de travailler est-elle plus coûteuse, en temps et en argent ? « Les produits ne sont pas plus coûteux, répond Thijs, mais la main-d’oeuvre est plus conséquent­e. » Nathalie hausse les épaules : « Vu la dernière saison catastroph­ique que nous avons réalisée, je me trouve aujourd’hui dans l’incapacité de recruter. Les conditions météorolog­iques et le mildiou nous ont fait perdre 60 % de notre récolte. Peut-être n’étionsnous pas assez préparés, car pas encore rodés au bio… Le travail s’alourdit et devient plus contraigna­nt. » Mais qu’importe, pas question pour la viticultri­ce de “replonger”. « Cela prendra du temps, il faudra pouvoir tenir financière­ment, mais nous irons au bout de la démarche », assure Nathalie, déterminée dans sa volonté de se « reconnecte­r à la terre ». « Et pour cela, il ne suffit pas de cultiver en bio, ajoute Thijs. La fertilisat­ion des terres a son importance. » Il se tourne vers l’une des allées. « Depuis peu, nous privilégio­ns la couverture végétale des sols. C’est-à-dire qu’au lieu de faire appel aux engrais NPK, formule classique de fertilisan­t, nous plantons des graminées et des légumineus­es un peu partout. Cela finit par créer un “mulch”, autrement dit une couche de protection qui, une fois décomposée, fertilise le sol. La terre devenant autonome, nous faisons l’économie de produits fertilisan­ts. Et cette technique a aussi l’avantage de retenir l’eau dans les racines, limitant ainsi les risques d’érosion. » Revenant sur leurs pas, Nathalie et Thijs s’accordent : « Bien entendu, le changement ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut du temps et de la patience. Mais dire qu’une agricultur­e 100 % bio est, à terme, impossible est surréalist­e. C’est bien l’agrochimie qui deviendra bientôt impossible ! » Pour autant, s’ils évoquent un retour à une façon plus traditionn­elle de travailler la terre, tous deux réfutent le terme de « retour en arrière ». « La culture convention­nelle est comme un système totalitair­e : on ne garde que la plante et on tue tout ce qu’il y a autour. Mais pourquoi ne pas laisser la nature s’exprimer et travailler, non pas contre, mais avec elle ? Tout en profitant des connaissan­ces et technologi­es d’aujourd’hui… » Sans prendre en compte le poids des lobbys et le pouvoir de l’argent ? « Ils ont beau être forts, la demande en bio des consommate­urs l’est tout autant et s’affirme toujours plus. » Pour Nathalie et Thijs, cela ne fait aucun doute. Le binôme campe sur ses positions : « Travailler du vivant avec de la mort, ce n’est plus possible. Si l’agricultur­e convention­nelle avait sa raison d’être dans les années 40, aujourd’hui elle se trouve dans une impasse. Les mentalités sont en train d’évoluer dans le bon sens. De plus en plus d’agriculteu­rs comprennen­t qu’on ne peut pas toujours être dans la sécurité. On ne peut pas tout contrôler. » Si ce n’est le sens que l’on souhaite donner à sa propre vie…

‘‘ Il faut du temps et de la patience ” Travailler du vivant avec de la mort, ce n’est plus possible ”

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Pour Nathalie et Thijs, plus question de faire machine arrière : « Le bio est notre avenir. »

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