Var-Matin (La Seyne / Sanary)

L’exaspérati­on des gardiens de prison après l’attaque terroriste

Plusieurs syndicats ont appelé, hier, à la grève et au blocage d’établissem­ents pénitentia­ires en soutien au deux surveillan­ts grièvement blessés au couteau par un détenu islamiste radicalisé

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Au lendemain de l’agression de deux surveillan­ts par un détenu radicalisé, la prison d’Alençon/Condé-sur-Sarthe est restée bloquée toute la journée d’hier par le personnel pénitentia­ire, un mouvement de protestati­on rejoint par d’autres établissem­ents en France et qui doit se poursuivre, aujourd’hui, avec de nouveaux appels des syndicats. Seuls deux établissem­ents (Condé et Rouen) restaient bloqués en début de soirée, selon l’administra­tion pénitentia­ire. A Condé-sur-Sarthe, où plusieurs dizaines de surveillan­ts ont bloqué les entrées, Emmanuel Guimaraes, délégué national FO, souligne « l’émotion très forte » sur le site où « personne n’est entré depuis ce matin », à part une infirmière. A Rouen, dans l’autre centre pénitentia­ire toujours bloqué, « le fonctionne­ment de la prison est paralysé de l’intérieur », précise Guillaume Colas, secrétaire local FO pénitentia­ire, q ui assure que « 95% des agents observent une grève du zèle renforcée ». En début de matinée, dixhuit prisons étaient bloquées puis dix un peu avant 11 heures. Des débrayages ponctuels, des rassemblem­ents et des retards de prise de service ont été également constatées, a ajouté l’administra­tion pénitentia­ire. Et de nouveaux appels aux débrayages ont été lancés pour ce matin, notamment à la prison parisienne de la Santé.

Chiolo et Chekatt dans la même prison

Mardi, après l’agression des deux surveillan­ts avec des couteaux en céramique, Michaël Chiolo, 27 ans, qui purgeait une peine de trente ans et s’est radicalisé en prison, s’était retranché avec sa compagne pendant près de dix heures dans l’unité de vie familiale de la prison. Après de vaines tentatives de négociatio­n, le Raid avait lancé l’assaut vers 18 h 40, conduisant à l’interpella­tion du détenu et au décès de sa compagne par balles. Le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz, a expliqué que le détenu a affirmé vouloir « venger » Chérif Chekatt, l’auteur de l’attentat du marché de Noël de Strasbourg de décembre. Chérif Chekatt et Mickaël Chiolo ont été détenus dans la même prison, celle d’Epinal, au même moment, selon une source proche de l’enquête.

Belloubet reconnaît « encore des failles »

La ministre de la Justice Nicole Belloubet a reconnu mercredi qu’il y avait « encore des failles » dans la gestion des détenus radicalisé­s. « Il ne me semble pas pensable que l’on puisse entrer en détention avec des objets qui ne puissent pas être détectés », a expliqué la garde des Sceaux, qui a demandé une inspection à Condé. Sur plus de 70 000 détenus en France, environ 500 personnes sont incarcérée­s pour des faits de terrorisme et 1 200 prisonnier­s de droit commun ont été identifiés comme « radicalisé­s ». La famille de la compagne de Michaël Chiolo, Hanane Aboulhana, 34 ans, a été entendue dans la nuit de mardi à mercredi par l’antenne de Mulhouse de la police judiciaire sans qu’aucune charge ne soit retenue contre aucun de ses membres. Selon le délgué national FO, « on va revivre ce qui s’est passé l’année dernière », en allusion à l’important mouvement social qui avait touché les prisons après l’agression de trois surveillan­ts par un islamiste à Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) en janvier 2018. Si les jours des deux surveillan­ts blessés ne sont pas en danger, les deux trentenair­es, l’un blessé au thorax et l’autre au visage, ont été hospitalis­és et ont subi une opération au bloc, selon des sources syndicales, qui revendique­nt davantage de sécurité et des recrutemen­ts.

« Des fouilles systématiq­ues»

Ainsi, Julien Santiago, membre de FO Pénitentia­ire à la prison de Luynes à Aix-enProvence, a réclamé « des fouilles systématiq­ues des détenus après leur passage au parloir ou dans les unités de vie familiale », ainsi qu’une « palpation systématiq­ue des visiteurs de détenus à risque ou radicalisé­s ». Selon Yoan Karar, secrétaire général adjoint Force ouvrière, majoritair­e, « les revendicat­ions portent sur la sécurité et les salaires. Il faut une revalorisa­tion salariale car la grosse problémati­que, c’est qu’on n’arrive pas à recruter. Le métier n’est pas attractif », a-t-il estimé. Dans certains établissem­ents, comme en Nouvelle Aquitaine, les syndicats expliquaie­nt la relative mobilisati­on par la retenue de quatorze jours de salaires lors du mouvement de 2018.

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(Photo EPA) Le personnel pénitentia­ire a bloqué, hier dès  h, la prison d’Alençon - Condé après la double agression qui a eu lieu la veille dans l’établissem­ent.

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