Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Un scénario audacieux

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Van Gogh n’aura vendu qu’une toile de son vivant. C’est peut-être pour ça que les différents propriétai­res du carnet de dessins retrouvé par Franck Baille l’ont laissé croupir au fond d’un placard. C’est aussi ce génie incompris que Schnabel dépeint avec tendresse dans At Eternity’s Gate. Jusqu’au générique de fin, où est mentionné que « le carnet de dessins fut retrouvé en 2016, 126 ans après son dépôt par le Dr Rey au Café de la gare », Julian Schnabel s’appuie sur la découverte du Brouillard d’Arles (et d’un petit carnet de bord indissocia­ble), pour conter le point d’orgue artistique de Van Gogh. Dans le film, sitôt le fameux carnet offert par Mme Ginoux à Van Gogh, ce dernier le remplit de croquis et esquisses dessinés à la hâte avec des calames (fusains) taillés par ses soins. Schnabel reprenant ainsi la thèse de Bogomila Welsh d’un artiste sans le sou, confection­nant ses propres outils et empilant parfois les créations sur une même toile.

« Je peins pour arrêter de penser »

Surtout, Schnabel ouvre la porte au fait que Van Gogh, très prolifique, ait pu peindre de mémoire et non pas uniquement sur l’instant, dans la nature. « Je me sens perdu si je n’ai rien à contempler », plaide l’artiste face à Gauguin, qui l’incite alors à prendre plus le temps. À reproduire ses « visions » et faire des épreuves. D’où le fait que des dessins du carnet soient des oeuvres reconnues ; d’autres inédites ? Schnabel prend aussi le parti controvers­é d’affirmer que Van Gogh s’est coupé l’oreille pour l’offrir à Gauguin par le biais d’une prostituée. Théorie qui fait jaser chez les experts, sans parler du fait qu’il le fait mourir d’une balle perdue alors que la version « officielle » fait état d’un suicide. Autant d’éléments qui appuient la thèse d’un artiste incompris, mystique, qui invoque un don reçu de Dieu entre deux transes. « Je porte quelque chose en moi et je ne sais pas ce que c’est… Je veux partager ma vision. » Un peintre compulsif qui oublie même certains de ses coups de pinceaux. « Pourquoi peignez-vous ? », lui demande le personnage de Mathieu Amalric. « Parce que je ne sais rien faire d’autre. Je peins pour arrêter de penser. »

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La prestation de Willem Dafoe fait l’unanimité.
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