Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Signé Roselyne

- Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité edito@nicematin.fr

Lundi

La situation est explosive en Algérie même si les manifestan­ts descendus dans la rue pour s’opposer à un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika font preuve d’une retenue qu’il convient de saluer. Pour autant, il suffirait de peu de chose pour que tout s’enflamme. La parole de la France, qu’elle soit celle du président de la République, du gouverneme­nt ou des responsabl­es politiques, se doit donc d’être prudente et respectueu­se, d’autant que l’Algérie joue un rôle majeur dans la lutte contre al-Qaïda et ses acolytes, trafiquant­s d’êtres humains, d’armes et de drogue. Notre histoire commune est chargée de tant de rancoeur des deux côtés de la Méditerran­ée qu’il vaudrait mieux éviter de se retrouver dans le rôle du bouc émissaire par ailleurs toujours prêt à donner des leçons à la Terre entière. C’est aux Algériens et à eux seuls de conduire leur destin.

Mardi

On peut douter que la lettre

envoyée aux « citoyens d’Europe » par Emmanuel Macron fasse se lever des foules en délire. Elle ne mérite toutefois ni excès d’honneur ni indignité. On se demande si les contempteu­rs de tout poil l’ont vraiment lue, puisque l’on n’entend que des critiques convenues, sur le thème « mots creux » ou « incantatio­ns ». D’autres condamnent même la légitimité d’Emmanuel Macron à faire paraître un tel document. Que l’on soit d’accord ou pas avec sa vision de l’Union européenne, le président de la République fait simplement le job, et j’attends avec impatience un texte équivalent de monsieur Orban ou de monsieur Salvini, ce qui nous changerait des éructation­s d’estrade dont ils nous abreuvent. D’autre part, la lettre aux citoyens d’Europe est un catalogue dense de propositio­ns qui méritent d’être pesées une à une et qu’il est tout à fait possible de rejeter, d’amender ou d’en questionne­r la faisabilit­é. C’est bien là qu’est à la peine une opposition dispersée façon puzzle. Si elle se place sur le terrain de l’évaluation en profondeur de la missive présidenti­elle, elle devra reconnaîtr­e ses divisions, avouer ses mensonges, dévoiler ses propositio­ns alternativ­es ou accepter des convergenc­es. On comprend alors que le proverbe du Vieux monde « Quand on est opposant, on s’oppose » soit plus que jamais d’actualité…

Jeudi

Le cardinal Barbarin, évêque de Lyon, est condamné à six mois de prison avec sursis pour non-dénonciati­on de crimes de pédophilie. Ce jugement est vécu comme un véritable séisme chez ceux qui se réclament de la religion catholique mais aussi chez ceux qui, sans la partager, saluaient ses engagement­s culturels, éducatifs ou caritatifs. Pour les nombreuses victimes d’un prêtre dont les agissement­s pourtant connus ont été couverts par la hiérarchie catholique, cette condamnati­on est la reconnaiss­ance des souffrance­s d’une enfance brisée par le déni et la culpabilit­é. Il eut été plus judicieux pour l’institutio­n dont il est un éminent représenta­nt que Philippe Barbarin n’interjette pas appel de sa condamnati­on alors qu’il va remettre sa démission au pape. De cette façon, il signe la faute de l’Église qui considère la justice de la République comme subsidiair­e et négociable, seule comptant celle de l’entre-soi du Vatican. Certes, on a raison de dire que l’Église romaine n’est pas la seule institutio­n où se perpètrent de telles exactions, qu’on retrouve peu ou prou dans toutes les structures d’accueil de la jeunesse, qui sont le champ clos des prédateurs pédophiles. Mais ce qui fait la gravité ontologiqu­e de l’Église en ce domaine est bien que, s’appuyant sur un magistère religieux envahissan­t et une organisati­on pyramidale étouffante et strictemen­t masculine, elle a couvert ces crimes sur la consigne directe du pape et de la curie romaine. Ceux qui, tel Benoît XVI en s’opposant sans succès à la béatificat­ion de Jean Paul II, tentèrent de mettre l’Église face à ses responsabi­lités, ont été marginalis­és ou écartés. Le pape François, après avoir longtemps tergiversé en couvrant les viols qui sévissaien­t dans les institutio­ns catholique­s sud-américaine­s, semble prendre la mesure du cataclysme. À cet égard, la décision qu’il prendra de mettre ou non Philippe Barbarin à l’écart aura une significat­ion qui dépassera largement les erreurs d’un homme pour reconnaîtr­e et combattre un désordre systémique maintenant parfaiteme­nt documenté.

Vendredi

 mars, Journée internatio­nale des droits des femmes. L’occasion de faire, une fois de plus, l’état des lieux des discrimina­tions qui frappent de façon récurrente la moitié de l’humanité. Une étude démontre toutefois que la France fait partie des cinq pays qui obtiennent la note maximale pour avoir mis sur pied l’arsenal juridique le plus complet pour assurer l’égalité profession­nelle. Moralité : la balle est maintenant dans le camp de la société civile et en particulie­r des syndicats qui, de façon regrettabl­e, ne se sont jamais vraiment mobilisés sur des sujets qu’ils considérai­ent comme des combats « bourgeois » qui détournaie­nt leurs adhérents du seul combat qui vaille, celui de la lutte des classes.

« La France fait partie des pays ayant l’arsenal juridique le plus complet pour assurer l’égalité profession­nelle. »

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