Une banquière accepte un dépôt de €
Après s’être plongée dans les méandres du monde discret de l’aviation d’affaires (lire nos éditions précédentes), la cour d’assises spéciale des Bouches-du-Rhône s’est penchée hier sur un nouvel épisode de l’affaire Air Cocaïne. La scène se déroule quelques jours après la première rotation suspecte, entre Puerto Plata (République dominicaine) et Saint-Tropez. Nous voilà dans le quartier de La Défense, à l’ouest de Paris, le 12 décembre 2012. Le Toulonnais Frank Colin, flanqué de Nicolas Pisapia, pousse les portes de l’agence Pyramides de la Société générale avec « des valises de billets », selon l’expression du président de la cour d’assises. « Est-ce que les dépôts en espèces de 300 000 euros sont fréquents ? », interroge le magistrat. « Non, c’était la première fois », reconnaît, à la barre, l’ancienne directrice de l’agence où Frank Colin a déposé cette somme dans un coffre-fort. « M. Colin m’a dit qu’il y avait des sommes d’argent qui devaient arriver [de ses activités professionnelles en Roumanie]. Il était clair dans ses explications, il n’y a jamais eu de contradiction dans ses propos », explique le témoin qui a fini par demander un justificatif à son client quand il a réclamé un chèque de banque pour acheter une voiture (45 000 euros). Le document fourni avec l’aide d’un douanier complaisant (lire nos éditions précédentes), sans véritable valeur, avait suffi. « C’était la première fois que je voyais un document comme celui-ci .» Son ancienne collègue, à l’époque responsable des comptes professionnels, s’était montrée beaucoup plus prudente. « J’ai dit que je ne voulais plus m’occuper de ce clientlà », déclare-t-elle. « Il me mettait en situation d’avoir peur de lui poser des questions, même des clients qui avaient beaucoup d’argent ne me parlaient pas comme lui (...) À partir du moment où quelqu’un commence à vous menacer, dépose des espèces et se survalorise, je me suis tout de suite dit qu’il y avait un problème .» Interrogé, Frank Colin évoque une commission sur la vente d’un appartement et la revente de deux montres de luxe pour justifier les sommes et la nécessité de disposer d’un « fonds de roulement ». « Si j’avais eu cette activité de trafiquant de drogue, j’aurais pu aller à mon coffre dès le lendemain de l’arraisonnement de Punta Cana, je n’y serais pas revenu une semaine plus tard .»Le Toulonnais sera effectivement interpellé devant l’agence bancaire plusieurs jours après les faits.