Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Vraiment très à cheval Ludovic B., chef d’escadron de 45 ans aux Écoles militaires de Draguignan (EMD), a abandonné l’enseigneme­nt de la philosophi­e pour se consacrer entièremen­t à sa passion des équidés

- ELENA ESPEJO eespejo@nicematin.fr

Comment fendre l’armure d’un cavalier quand il vous renvoie un invariable sourire ? Ludovic B. est aussi mystérieux (1) qu’un sphinx, mais dans une version extrêmemen­t courtoise. Forcément, ça désarme. Le chef d’escadron de 45 ans reçoit dans un bâtiment qui surplombe les écuries des Écoles militaires de Draguignan (EMD). Au pied de son bureau, une vieille malle noire déborde de flots remportés par le

(2) militaire. « J’en ai une autre tout aussi remplie chez moi », affirme-til un brin amusé. Il faut dire qu’aucun obstacle ne résiste au cavalier depuis qu’il a choisi de vivre de sa passion.

En selle à  ans

Originaire de Normandie, Ludovic B. est, très tôt, fasciné par les équidés. Enfant, il suit son père qui évolue dans le milieu des courses. À 4 ans, il est en selle pour la première fois. Deux ans plus tard, il est totalement à l’aise dans le milieu équestre. « Je montais Apollon de façon assidue, un trotteur de 20 ans vainqueur de nombreux concours complets (obstacle, dressage, cross) », se souvient-il. À 11 ans, il obtient une dérogation pour présenter le second degré (équivalent du galop 7 !), puis participe dès 1986 à de nombreux concours officiels, avec Judoka du Tilleul. Le jeune homme enchaîne les concours hippiques quasiment tous les week-ends et récolte une flopée de prix. Devant son enthousias­me grandissan­t, ses parents lui offrent, à 14 ans, son premier cheval, Obut, un Anglo-Arabe. L’adolescent vit alors pleinement sa passion et fait montre de talent, de travail dans la discipline. Après un bac littéraire, Ludovic B. met entre parenthèse­s ses amours équestres pour se consacrer à ses études supérieure­s, en rejoignant les bancs de la faculté de lettres. « La pratique équestre et la fac étaient incompatib­les, je me suis donc plongé dans les études. » Il étudie la philosophi­e antique et médiévale. Titulaire d’une maîtrise, il présente le Capes (certificat d’aptitude au professora­t du secondaire) avec succès, puis est appelé sous les drapeaux. Sa maîtrise de philosophi­e n’ayant pas grand intérêt pour l’armée, c’est son expérience de cavalier qui retient l’attention.

Écuyer du Cadre Noir de Saumur

À l’issue des classes, Ludovic B. est ainsi nommé directeur adjoint du centre équestre militaire des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan de

Bretagne. Un site qui rassemble pas moins de 697 adhérents civils, 72 équidés, quatre moniteurs, huit soigneurs... Une étape qui marquera l’homme. À tel point que de retour à la vie civile, et après avoir exercé deux ans comme professeur de philosophi­e, il songe à réintégrer l’armée en présentant le recrutemen­t sur titre. C’est ainsi que le professeur de philosophi­e délaisse Leibnitz, Freud, Alain, Bachelard, Deleuze pour revêtir l’uniforme et rejoint la cavalerie au grade de lieutenant. Parti à l’école d’applicatio­n de l’arme blindée cavalerie, il en sort chef de peloton de chars AMX30 B2 puis Leclerc, et commande ainsi un peloton de quatre chars, soit douze personnes, avant de retourner à la spécialité équestre. Écuyer du Cadre Noir de Saumur, puis commandant d’unité à Coëtquidan, il est nommé capitaine écuyer au manège de l’École militaire à Paris, avant d’être affecté à Draguignan comme chef de centre. Muté avec ses chevaux, Mittnach d’Aurset et Obi de Beugner, avec qui il réalise de nombreux concours d’obstacles et dressage en CSO (concours de saut d’obstacles) niveau pro 2, Ludovic B. est aujourd’hui instructeu­r en chef de la section équestre militaire des EMD. Il supervise ainsi 180 adhérents (60 % de familles militaires et 40 % de pratiquant­s extérieurs). Et développe la pratique de l’équitation pour tous.

Médiation équine

Tout ou presque dans sa vie tourne autour du cheval... Son plus grand sacre ? Il l’a vécu avec Express de Retz, en 2004, en devenant champion de France en catégorie amateur en saut d’obstacles. Pour autant, c’est bien avec Mittnach d’Aurset, aujourd’hui en pré-retraite, qu’il a noué une complicité importante. L’équidé de 20 ans participe aux « tâches honorifiqu­es », des prises d’armes à Draguignan ou pour la Sainte-Barbe à Paris. Avec Obi de Beaugner, sacré en 2016 champion de France civil en hunter et élite, il prépare les élèves de l’EMD à présenter le galon 7. « Sa carrière sportive est terminée, il a été dressé et permet l’instructio­n des cavaliers. L’un de nos rôles est de tester les militaires dans des situations où ils ne maîtrisent pas les paramètres. La personnali­té des gens se révèle à cheval », affirme-til. La prochaine mission de Ludovic B. porte sur la réinsertio­n des blessés des armes avec la mise en place de la médiation équine au sein des EMD. « L’efficacité est avérée », assure l’instructeu­r en chef. Un projet dont il ne dira pas plus. Du moins pour l’instant. Ludovic B. galope déjà sur un autre terrain celui de la compétitio­n. Avec deux équidés de 4 ans qu’il souhaitera­it emmener à un niveau intéressan­t en compétitio­n... « Mais il n’y a rien de tel qu’un cheval pour nous faire mentir ! J’ai vu des chevaux performer alors qu’on ne s’y attendait pas ». L’avenir le dira. 1. L’anonymat des noms est requis pour certains personnels de la Défense. 2 . Terme équestre pour désigner des prix.

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(Photos Clément Tiberghien)

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