Le maire de France
« L’expérience a changé le regard sur la société de ce Président élu à l’Elysée sans avoir jamais tâté le cul des vaches. »
« J’ai tant appris de vous ! » L’adresse d’Emmanuel Macron au Congrès des maires valait hommage et aveu. Celui qui se désigne comme le maire de la commune France sait ce qu’il doit à ces notables à écharpes qui lui ont littéralement sauvé la mise, au plus chaud de la crise des « gilets jaunes », quand la République tremblait sur son socle. L’expérience a changé le regard sur la société de ce Président élu à l’Elysée sans avoir jamais tâté le cul des vaches, pur produit d’une élite française biberonnée à la culture techno-centraliste qu’on enseigne dans les grandes écoles. Avec lui, c’est toute la noblesse d’Etat qui a, soudain, eu la révélation de la réalité et des angoisses de l’autre France, qu’on dit « périphérique », France des bourgs aux rideaux de fer baissés, des villages désertés par le service public. Elle a découvert aussi la richesse irremplaçable de ce maillage communal unique : cette France des mairies et élus locaux, que les esprits forts tenaient pour une survivance folklorique, et qui a montré une formidable capacité de résilience. Il y aura un avant et un après. Et si les vieux réflexes étato-jacobins de la technostructure ne reprennent pas le dessus, on peut compter au nombre des « dogmes qui ont vécu » [Macron dixit], cette idée, héritée de l’obsession centralisatrice de l’Ancien Régime, selon laquelle pour faire mieux et moins cher, il faut faire grand. Et au nom de la « rationalisation », administrer le pays comme un jardin à la française, dont toutes les allées ramènent au centre. Cela a donné le projet de « Grand Paris », les « grandes régions », supposées sources d’économies d’échelle et qui, finalement, coûtent plus cher, les intercommunalités forcées, la création des métropoles, qui menacent d’accélérer la désertification des zones excentrées. Pour nombre d’urbanistes, cette idéologie du big is beautiful est dépassée. C’est une réponse du XIXe siècle aux problèmes du XXIe. Si la concentration urbaine avait une logique au temps de l’exode rural et de la révolution industrielle, on la paie cher aujourd’hui : coût du logement, déglingue sociale des « quartiers », temps de transport, etc. A l’heure d’Internet et du télétravail, plus besoin de cités dortoirs à proximité de l’usine. La verte Lozère, moins de habitants au kilomètre carré, devient un repaire de startupers en chemises à carreaux. C’est ça, aujourd’hui, la modernité. Le small, le local relèvent la tête. Inspirée du « Grand Débat », la loi « Engagement et proximité » redonne des marges d’action aux maires ruraux. La création des maisons « France Service », le plan « Très Haut Débit », le programme « Action Coeur de Ville », la réaffectation de six mille fonctionnaires sur le terrain : mises bout à bout, toutes ces mesures, qu’Emmanuel Macron n’a pas manqué de vanter hier, marquent une réelle inflexion de la politique d’aménagement. Une « réinvention du territoire », comme il dit ? Il faudra bien davantage. Aller plus loin en matière de déconcentration des décisions et de décentralisation des compétences. Le chef de l’Etat s’y dit prêt. Il demande à «êtrejugésur ses actes ». C’est noté.