L’ÉDITO de Le carrefour des colères
D’ores et déjà, Emmanuel Macron a botté en touche. Si son parti vient à perdre les municipales, il n’en tirera pas « de conséquence automatique sur le plan national ». Sage précaution. Et au fond légitime. Le scrutin de mars a tout du guêpier pour LREM. Quelques convertis mis à part, En marche ne possède aucune assise locale. Un handicap rédhibitoire dans une élection qui, plus que toute autre, fait la courte échelle aux sortants. Malgré tout, au coeur d’un nouveau monde soi-disant dépoussiéré, on aurait prisé davantage de panache. Au moins, le gouvernement aurait-il pu se dispenser de cette circulaire incitant les préfets à ne plus « nuancer » politiquement les listes dans les communes de moins de habitants. Cette décision répond certes à une attente des candidats ruraux sans étiquette, dont beaucoup étaient jusqu’ici catalogués contre leur gré à droite ou à gauche, dans un souci maniaque de classification. La mesure aurait été applaudie, sans bémol, si s’était dessiné un raz-de-marée LREM. Comme ce n’est pas le cas, elle prête le flanc aux accusations, outrancières, de camouflage des résultats. A ce stade, au regard d’un axe de campagne qui semble se profiler, on aimerait aussi glisser un conseil d’ami aux marcheurs : évitez de refaire le coup du barrage au RN, ce cordon grossier entre gentils et méchants, intelligents et nigauds supposés, qui s’effiloche année après année. Marine Le Pen n’attend que ça et à trop jouer avec le feu… Dans un pays à cran depuis quinze mois, cette stratégie kamikaze pourrait pousser les plus énervés dans les bras du Rassemblement national dès les municipales. Ce rendez-vous constituera le déversoir des colères et des luttes déclenchées, à tort ou à raison, par Emmanuel Macron. Le parti présidentiel devra s’y contenter de miettes. La montée des écologistes, ces nouveaux conquérants, sera peut-être alors son meilleur airbag, en dispersant un vote contestataire qui pourrait devenir indéchiffrable. Et justifier, de facto, le maintien du même cap national.
« La poussée écologiste, en dispersant le vote contestataire, pourrait le rendre indéchiffrable. »