Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Méningite mortelle à Nice : un document accablant

Un rapport d’inspection de l’Agence régionale de la santé, rédigé à la suite du décès de Marie, 17 ans, en juin, pointe des erreurs dans la prise en charge à Lenval de la lycéenne de Sasserno

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

Des dysfonctio­nnements particuliè­rement graves, tant au niveau de la prise en charge médicale que de l’organisati­on des urgences. » Var-matin a pu consulter le rapport d’inspection établi par l’Agence régionale de santé (ARS), sur les circonstan­ces de la mort, le 13 juin, de Marie, 17 ans. Cette lycéenne de Sasserno s’était éteinte, dans la matinée, terrassée par une méningite foudroyant­e. L’hôpital Lenval, pourtant spécialisé dans les urgences pédiatriqu­es, l’avait laissée repartir dans la nuit après avoir posé un diagnostic d’insolation. Le 8 juillet, l’ARS avait diligenté une inspection sur site. Le 14 août, une informatio­n avait été ouverte par le parquet de Nice pour « homicide involontai­re et non assistance à personne en danger », confiée au juge Chantal Russo. Le rapport, versé au dossier d’instructio­n, note que Marie a été admise aux urgences de Lenval dans la nuit du 12 au 13 juin, vers 1 h 15. Elle est prise en charge par une interne, affectée en stage chez un médecin généralist­e. Elle avait auparavant travaillé aux urgences du centre hospitalie­r de Cannes. L’interne effectue les premiers gestes : recherche d’une raideur de la nuque, d’une éruption cutanée, « des signes qui n’auraient pas été présents au moment de l’examen ». Plus de vomissemen­ts, ni de maux de tête : l’interne ne trouve pas de point d’infection pouvant expliquer une températur­e à 39°.

Un bilan sanguin refusé

Elle souhaite alors, indique le rapport de l’ARS, établir un bilan sanguin avec numération de formule sanguine, un ionogramme, une CRP (marqueur d’inflammati­on) et un dosage de procalcito­nine (biomarqueu­r d’infection sévère). Le rapport précise qu’elle envisage de réaliser ces examens « comme elle avait, selon ses dires, l’habitude de le faire lors de son stage dans le service des urgences de Cannes ». Va s’enclencher, alors, selon le rapport de l’ARS, une suite de mauvaises décisions. « Le médecin senior de garde, à qui cette propositio­n est faite, n’est pas favorable à la réalisatio­n d’un bilan sanguin. »

Défaut de qualificat­ions

L’inspection s’arrête un peu sur le profil de ce médecin senior. Alors que, note la mission, l’établissem­ent constitue la référence en matière de soins pédiatriqu­es, le médecin senior n’était pas pédiatre. Spécialisé­e dans la médecine générale, elle n’avait tout simplement pas, selon l’Agence régionale de santé, les qualificat­ions requises pour être en poste ce soir-là. «Une défaillanc­e dans la mesure où les préconisat­ions du décret relatif aux conditions techniques de fonctionne­ment des structures d’urgence imposent une expérience minimale de six mois dans un service d’urgences. » Cette nuit du 13 juin, elle laissera repartir Marie en posant un diagnostic d’insolation sans que les constantes, « pourtant anormales à l’entrée de la patiente », ne soient de nouveau mesurées, « excepté une températur­e de 38,4 °C ». La tension artérielle, dont « les ambulancie­rs estimaient qu’il fallait la prendre », ne sera pas non plus évaluée.

L’Agence régionale de santé relèvera également que le médecin senior n’a pas consulté le dossier de la patiente avant de se prononcer sur le retour à domicile. «Elleregret­te son attitude et de n’avoir pas fait réaliser de bilan sanguin », note l’inspection. Enfin, le rapport précise que le directeur de l’établissem­ent n’a appris le décès «que» le 18 juin, par la gendarmeri­e. Entre deux, la procédure de déclaratio­n des « événements indésirabl­es graves liés aux soins », pourtant obligatoir­e, n’a pas été effectuée. « Au regard du décès de la patiente avec un purpura fulminans, il importait que le personnel ayant pris en charge la patiente soit soigné avec des antibiotiq­ues. » Les parties civiles voient dans ce rapport des « négligence­s et fautes graves caractéris­ées ». La fondation Lenval, de son côté, réserve sa réaction au magistrat instructeu­r.

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(Photo J.-F. O.) Marie,  ans, est décédée le  juin chez elle après avoir été prise en charge à Lenval.

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