Libye : la rébellion met la pression avant le sommet pour la paix
Des forces pro-Haftar ont bloqué hier les principaux terminaux pétroliers de l’est de la Libye, jetant un froid à la veille d’un sommet international à Berlin censé relancer le processus de paix dans ce pays déchiré par la guerre civile. L’arrêt des exportations d’or noir, qui représentent quasiment l’unique source de revenu pour les Libyens, est un signe de protestation visant l’intervention turque dans le pays, selon les tribus et des forces loyales au maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’est du pays en conflit avec le gouvernement reconnu par l’ONU à Tripoli. Les pro-Haftar estiment que les revenus pétroliers distribués par le GNA servent à payer des combattants venus de l’extérieur, notamment de Turquie. Ce blocage provoquera la chute de la production du pays de 1,3 million à 500 000 barils par jour, soit un manque à gagner de 55 millions de dollars par jour, selon la Compagnie nationale de pétrole. Le maréchal Haftar, qui mène depuis avril 2019 une offensive pour s’emparer de la capitale, est attendu aujourd’hui à la conférence internationale sur la Libye organisée à l’initiative de l’ONU, de même que son rival Fayez al-Sarraj, chef du Gouvernement d’union nationale (GNA).
« Le risque que les USA réagissent mal »
Pour Jalel Harchaoui, chercheur à l’Institut Clingendael de La Haye, le blocage pétrolier entre dans « une logique de chantage. Elle peut marcher. Mais il y a aussi le risque que Washington réagisse mal », prévient-il. « L’administration Trump est très opposée aux blocages des exportations du pétrole libyen », qui conduiraient à une hausse du prix du brut. Dans une interview donnée hier à Berlin, l’émissaire de l’ONU en Libye, Ghassan Salamé, n’a pas exclu non plus des motivations politiques avant la réunion de Berlin, qui rassemblera la plupart des pays impliqués dans le conflit en Libye. « Notre ligne est claire à l’ONU : il ne faut pas jouer avec le pétrole parce que c’est le gagne-pain des Libyens. Sans pétrole, les Libyens meurent de faim. » M. Salamé a en outre exhorté les autres pays à « cesser » leurs ingérences en Libye, où se mêlent appétits énergétiques pour les importantes réserves en pétrole que détient le pays, rivalités politiques et jeux d’influence. Ce point figure au centre du sommet de Berlin. Entre l’arrivée sur le terrain de militaires turcs, la présence soupçonnée de mercenaires russes et l’afflux continu d’armes livrées par plusieurs États, la communauté internationale craint de voir le conflit en Libye dégénérer en « nouvelle Syrie » et de s’internationaliser davantage.