Signé Roselyne
Lundi
Chers lecteurs, je vous présente mes excuses les plus sincères d’avoir omis la semaine dernière de commenter l’événement politique de première grandeur que constitue la décision du duc Henry de Sussex et de son épouse – autrement dit, pour les intimes du couple que nous sommes tous, Harry et Meghan – de renoncer à leurs engagements royaux. Damned ,que va devenir la monarchie anglaise ? Bloody hell, cet indésirable est-il vraiment le fils du prince de Galles ? Gracious kindness, comment la souveraine Elizabeth, la pauvre vieille, va-t-elle supporter cette nouvelle incartade de sa progéniture ? Les gazettes les plus sérieuses étaient en émoi et se perdaient en conjectures. Aujourd’hui, énorme soupir de soulagement, un communiqué en provenance du château de Sandringham nous apprend que la reine soutient « le désir d’Harry et Meghan de démarrer une nouvelle vie en tant que parents ». Ben voyons ! Je ne partage pas grand-chose avec Elizabeth Windsor, sauf sans doute une furieuse et définitive envie de balancer par la fenêtre cette horripilante et fascinante famille royale. Honni soit qui mal y pense…
Mercredi
Le séminaire gouvernemental exhale un fumet de sortie de crise, et il est effectivement des signes qui vont dans ce sens. Toutefois il est clair que ces convulsions ne sont pas spécifiquement françaises mais qu’un malaise profond secoue toutes les démocraties occidentales sur fond de peur panique de l’avenir. Chacune l’exprime avec ses spécificités culturelles, mais aucune n’y échappe. En France, la tradition révolutionnaire secoue la société plus qu’ailleurs par les grèves, les manifestations, les atteintes aux biens et aux personnes détentrices de l’autorité. Tout cela vient de loin. En fait, nous refusons d’accepter que nous ayons construit notre exceptionnel niveau de vie, y compris des plus pauvres d’entre nous, en exploitant sans vergogne des ressources qui ne nous appartenaient pas, en épuisant la planète et en en spoliant ainsi des milliards d’êtres humains. Ceux-ci en ont assez et nous disent : c’est à notre tour. La mondialisation n’est pas seulement un effet de la financiarisation de l’économie comme le soutient l’extrême gauche, c’est aussi un formidable appel des peuples à la simple justice, et cette redistribution ne sera possible qu’à notre détriment. C’est cela que, la trouille au ventre, nous ressentons confusément. La crise ne fait que commencer.
Vendredi
Le siège de la CFDT est envahi par des manifestants identifiés selon Laurent Berger comme appartenant à la CGT. Des salariés présents sont insultés, certains molestés. La CFDT est devenue le premier syndicat français en militant depuis dix ans pour l’instauration d’un régime universel de retraite et par conséquent pour l’abandon des régimes spéciaux. Quoi qu’on pense du dossier des retraites sur le fond, à partir du moment où le gouvernement supprimait l’âge pivot et accédait à sa demande d’une conférence de financement, Il n’y avait de la part de la CFDT ni abandon ni traîtrise, mais simple cohérence, à renoncer à la grève et à la manifestation. S’attaquer ainsi aux plus faibles, en l’occurrence aux personnels d’accueil de l’organisation réformiste, relève de la bêtise et de la lâcheté.
Samedi
Hier soir au théâtre des Bouffes du Nord, j’assiste à une représentation de La Mouche, pièce tirée d’une nouvelle de George Langelaan qui permet à Christian Hecq de la Comédie française d’effectuer une performance d’acteur absolument remarquable. Si vos pas vous portent à Paris, c’est un spectacle à ne pas manquer, le tragique, la comédie, la dérision et la poésie s’y mêlent de façon détonante. Le président de la République et son épouse sont présents. Soudain, une trentaine de manifestants tentent d’envahir la salle aux cris de « Macron démission ». Le public et les acteurs restent calmes sans embrayer d’aucune façon sur les slogans, le Président sort un court instant pour mettre sa femme en sécurité, revient et, imperturbable, assiste au spectacle jusqu’à la fin, va féliciter les comédiens et quitte le théâtre, nullement « exfiltré » comme on l’a vu écrit ici ou là. Dehors, une rangée de CRS empêche les manifestants de pénétrer dans les lieux. L’affaire est finalement en soi assez dérisoire. Pour autant, on s’interroge à nouveau sur la tournure que prend la contestation. Ce type d’action groupusculaire ne peut – et c’est fort heureux – infléchir la politique d’un gouvernement démocratiquement élu. Par ailleurs, le respect d’un lieu de culture et des artistes qui y travaillent est un rempart irréfragable contre la barbarie qui peut à tout moment submerger une société de liberté. Enfin, il est plus que temps que les syndicats contestataires, CGT en tête, arrêtent de jouer les boutefeux en encourageant ces violences. Sinon, ils seront emportés par les forces monstrueuses qu’ils auront nourries.
Samedi (suite)
On apprend que la brasserie parisienne La Rotonde a été dévastée par un incendie très probablement d’origine criminelle. L’enquête devra rechercher les auteurs du sinistre et leurs motivations. S’il s’avérait que cette exaction s’inscrit dans la série de violences initiée par les syndicats extrémistes, ces derniers seraient passés du côté obscur de la force. Il faut espérer qu’il n’en est rien et que des condamnations fermes et des appels circonstanciés à la raison seront exprimés avec la plus grande fermeté.
L’OGC Nice a été sanctionné par la Ligue de football professionnel au motif gravissime (!) que les enfants qui accompagnaient les joueurs sur la pelouse le décembre dernier étaient coiffés d’un bonnet de Père Noël [nos éditions d’hier, Ndlr] ! Nice-Matin a lancé une pétition pour que l’amende infligée à l’OGC Nice soit annulée. Je m’y associe pleinement. Vraiment, la LFP a d’autres combats à mener, dans les domaines de la lutte contre l’homophobie et le sexisme par exemple, que de se mobiliser sur de pareilles calembredaines. Heureusement que le ridicule ne tue pas.
« Un malaise profond secoue toutes les démocraties occidentales sur fond de peur panique de l’avenir. »