« Le cancer fait partie de la vie »
Des évolutions, mais pas de révolution. Président de la Biennale de cancérologie de Monaco, le Pr Xavier Pivot, oncologue niçois de renom, livre son analyse des progrès récents
Grand-messe de la cancérologie francophone, la 14e édition de la Biennale de cancérologie de Monaco se déroulera du 29 janvier au 1er février prochains au Grimaldi Forum. Rencontre avec le président des Biennales, le Pr Xavier Pivot, cancérologue niçois de grande renommée aujourd'hui à la tête de l’Institut de Cancérologie de Strasbourg (ICANS).
Quel est l'objectif des Biennales ?
Il s'agit de faire ici un résumé de l'état des connaissances sur tous les cancers, et des innovations des derniers mois. Et de la façon dont elles vont être déclinées en France.
Quelles sont les grandes avancées ?
Nous avons beaucoup progressé dans la compréhension des tumeurs, grâce à la génétique et l’expression des gènes.
Comment cette connaissance participe-t-elle à faire progresser les traitements ?
On s’est aperçu par exemple que la présence de certains gènes « agressifs » dans les tumeurs ne signifie pas qu’ils vont s’exprimer. La prise en charge doit s’adapter. On peut citer l’exemple du cancer du sein et de la mutation dans un gène codant pour une protéine nommée PIK. Les tumeurs qui ont ce gène muté n’en ont pas pour autant une expression constante dans le temps. Aussi est-il important de tester les patientes au moment où on les traite, avant de recourir à une thérapie ciblant cette mutation.
On voit émerger depuis des années quantité de nouvelles thérapies ciblées, porteuses d’espoirs considérables. Que faut-il en penser ?
Pratiquement tous les cancers : du sein, des poumons, des ovaires… bénéficient de ces traitements innovants. Lorsque les premiers sont arrivés sur le marché, la presse généraliste, mais aussi spécialisée, a eu tendance à les présenter comme des traitements miracles qui allaient permettre d’éradiquer le cancer. La réalité est plus nuancée. Certes, ces traitements innovants sont vecteurs de progrès, ils permettent de contrôler la maladie, d’améliorer le pronostic… mais ils ne répondent pas aux attentes démesurées que beaucoup de malades, mais aussi de médecins, ont placé en eux. Influencés certainement par la « communication » des laboratoires pharmaceutiques.
L’utilisation récurrente dans les médias du terme de « révolution » thérapeutique est donc impropre ?
Parfois ce terme correspond à une réalité ; c’est le cas pour l’Herceptin qui, en , a authentiquement révolutionné le traitement de certains types de cancers du sein très agressifs dits HER +, en permettant la guérison dans un nombre très important de cas. Concernant les autres traitements innovants en cancérologie, prescrits il faut le préciser à des stades avancés, métastatiques, ils ont permis des évolutions. Mais pas de révolution. Il y a eu des progrès considérables, mais pas de victoire ultime.
La victoire ultime sur le cancer est-elle seulement envisageable ?
C’est une question presque philosophique. Le cancer fait partie de la vie. Chaque jour, milliards de nos cellules meurent et sont renouvelées. Or, chaque fois qu’une cellule se divise pour ce renouveler, il y a un risque qu’une erreur survienne quand la cellule fabrique une copie de son ADN.
En général, nos cellules peuvent détecter ces erreurs et les réparer avant qu’elles ne soient transmises aux nouvelles cellules. Mais il arrive que des cellules ne réussissent pas à réparer ces erreurs, et les transmettent. Les cellules porteuses d’une anomalie génétique sont les cellules qui peuvent devenir cancéreuses. Comme les erreurs génétiques s’accumulent avec le temps, il y a un risque plus élevé que nous soyons atteints d’un cancer à mesure que nous vieillissons. Aussi peut-on dire que le cancer fait partie du risque de la vie.
Quelle place aujourd’hui pour les thérapeutiques « traditionnelles » comme la chimiothérapie ?
Elles conservent toute leur place. Même dans le cas de cancers du sein HER + pour lesquels on dispose de l’Herceptin, la chimiothérapie continue d’être prescrite en combinaison. On peut citer aussi le cas des anti-CD, de nouveaux médicaments très prometteurs dans plusieurs cancers ; ils sont de plus en plus utilisés, mais associés à d’autres traitements comme une hormonothérapie.
Quand l’industrie dit qu’on va pouvoir se passer dans l’avenir de la chimiothérapie, elle « ment » ?
«Ilyaeu des progrès considérables » Pr Xavier Pivot
Oncologue, spécialiste du cancer du sein
C’est vrai et faux. Son utilisation recule en faveur de traitements plus efficaces et mieux tolérés, mais, au risque de me répéter, ils ne suffisent pas toujours à guérir. Peut-être que la situation sera différente d’ici à ans.