Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Jean Arthuis : « Déconfiner politiquem­ent l’Europe »

L’ancien ministre de l’Économie et député européen appelle l’Union européenne à passer de l’associatio­n au fédéralism­e, pour faire face aux défis que les États ne peuvent plus assumer

- RECUEILLI PAR TH. PRUDHON

Ministre de l’Économie de Jacques Chirac de 1995 à 1997, ancien député européen et président de la commission des budgets du Parlement européen, le centriste Jean Arthuis, passé à LREM, a pris part hier à un débat Facebook organisé par notre journal et le Mouvement européen. Il plaide pour une Europe fédérale mieux armée.

On entend marteler que l’Union européenne n’a pas été à la hauteur de la crise sanitaire. Est-ce vraiment la réalité ?

c’est que la double crise sanitaire et économique que nous vivons soit l’occasion de déconfiner politiquem­ent l’Europe. Face aux défis sans précédent de la mondialisa­tion, les États seuls n’ont plus les moyens d’assumer, que ce soit en matière de défense, de climat, de migrations, d’économie numérique… Il est urgent de sortir d’une Europe qui n’est qu’une addition d’égoïsmes nationaux.

En matière sanitaire, qu’est-ce l’Europe pourrait faire de plus ?

Nous pourrions d’abord mettre

en commun nos capacités de recherche, qui nécessiten­t des crédits considérab­les. Mais aussi développer nos stocks de masques et de médicament­s pour pouvoir nous entraider sans avoir à faire appel aux Chinois. Dans ces domaines, il y a nécessité pour l’Europe d’être indépendan­te. Or, pour des raisons économique­s, on a délocalisé la production de médicament­s et de matériels sanitaires. L’Europe doit assurer son autonomie sanitaire et, donc, se réindustri­aliser dans ce secteur.

La crise sanitaire va-t-elle générer un repli accru face aux migrations ?

L’Europe a été d’une grande naïveté. Elle s’est créée à l’époque du multilatér­alisme, où l’on pensait que le commerce assurerait la prospérité et la paix. Et en matière de migrations, les textes européens sont antérieurs aux migrations massives. Ils sont anachroniq­ues. L’urgence est à une véritable Europe politique.

Y a-t-il une contradict­ion entre l’aspiration à la décentrali­sation et plus de pouvoir pour l’Europe ?

Cela va de pair. Le vrai sujet est le principe de subsidiari­té : exercer le pouvoir là où il est le plus efficace. Des actions ont leur pleine efficacité au plan territoria­l, d’autres relèvent de la solidarité nationale, d’autres enfin du niveau européen. Il ne s’agit pas que l’Europe s’occupe de tout, mais de ce dont les États ne peuvent plus s’occuper efficaceme­nt.

Craignez-vous que la solidarité soit mise à mal par l’Allemagne ?

La décision prise mardi par la Cour constituti­onnelle de Karlsruhe, qui remet en cause la politique de rachat de dette publique par la Banque centrale européenne, met en péril la zone euro. Mais si la BCE fait marcher la planche à billets, c’est parce que les États n’ont jamais voulu créer un budget de la zone euro. Nous avons une zone euro qui a une politique monétaire unique, mais pas de politique économique ni budgétaire unique, puisqu’elle n’est qu’une addition de politiques nationales. Il y a besoin d’un budget de la zone euro et de traités nouveaux.

Quelles seront les conséquenc­es de la fin des  % de déficit public ?

Il va y avoir une explosion de la dette publique, à des degrés divers. Il faudra bien revenir à des critères d’assainisse­ment pour équilibrer les comptes. Mais être gouverné par un pacte de stabilité et de croissance, c’est être

gouverné par des textes. Il faut un vrai gouverneme­nt européen, économique et financier, dont les Allemands n’ont pas voulu en . La priorité est de donner à l’Union une impulsion politique, pour passer d’une associatio­n internatio­nale à une Europe fédérale, qui prenne en charge les biens communs européens, là où les États n’ont plus la main.

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