Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Bouhafsi passe à l’offensive

Mohamed Bouhafsi a pris tout le monde à contre-pied en révélant qu’il avait été un enfant battu. Il a décidé aujourd’hui de s’engager contre ce fléau sans négliger sa passion pour le foot

- RAPHAËL COIFFIER

Qui connaissai­t son secret ? Ses cicatrices ? Dissimulée­s sous un sourire angélique. Son cercle rapproché, certaineme­nt. Le grand public désormais. Depuis sa poignante tribune dans le Journal du Dimanche. Mohamed Bouhafsi s’est cette fois livré. Avec retenue. Un témoignage visant à défendre les invisibles. Les proies de cette violence trop souvent camouflée sous le tapis familial... Cette violence dont il a été victime jusqu’à ses 8 ans. Mais dont il a su tirer une force incroyable. Pour être aujourd’hui, à 26 ans, rédacteur en chef football de RMC Sport et BFM TV. Grâce à son travail acharné, ses valeurs, sa passion dévorante pour le ballon rond, il a su s’imposer dans un milieu ultra-concurrent­iel. Et, enfin, voler au-dessus d’un nid de coups pour mieux renaître de ses cendres...

Votre tribune dans le JDD, pourquoi aujourd’hui ?

Pour une raison simple : le décès du petit Daoudja en région parisienne () a réveillé en moi des souvenirs douloureux. Jusqu’à l’âge de huit ans, j’ai été un enfant battu. A l’époque, mes voisins m’ont aidé. Il était temps pour moi de prendre la plume. De témoigner pour aider à changer les choses. Pour qu’il y ait une prise de conscience...

Les réactions depuis votre mise ànu?

Les appels au  ont explosé. Si vous saviez les infos qui me reviennent. C’est dramatique. Il y a des violences physiques, sexuelles, psychologi­ques. Il est urgent d’agir. De réagir. Chacun à son niveau. Moi, j’ai pris des engagement­s. Je suis désormais parrain de l’associatio­n l’Enfant Bleu Enfance maltraitée. Mais je ne m’arrêterai pas là. Devant un oeil au beurre noir. Devant des cris. Il faut oser s’interposer. Alerter. Témoigner. Ces gestes peuvent sauver des vies...

Votre passion pour le foot vous a-telle permis de vous en sortir ?

Pour le moment, je ne veux pas rentrer dans le détail de ce malheur d’avoir eu un père violent. Quant au foot, j’ai toujours été fan. Depuis petit, c’est ma passion. Avec la politique. J’ai d’ailleurs hésité entre les deux au moment de mes études de journalism­e à Paris...

Deux univers très différents. Qu’est-ce qui a fait pencher la balance vers le ballon rond ?

Je crois que je suis un jeune vieux ! Je regardais tous les débats à la télé avec les Chabaud, Mazerolle, Duhamel... Et je me suis dit : on voit toujours les mêmes visages sur les plateaux. Contrairem­ent aux rédactions sportives où des jeunes émergent. J’ai du coup opté pour le journalism­e sportif.

Avec une réussite éclair...

J’ai de l’ambition. Je ne m’en cache pas. Une saine ambition. Et mes premiers stages à l’Equipe, Canal Plus, m’ont convaincu que j’étais dans le vrai. Je n’oublierai jamais mes premiers pas avec

Nathalie Iannetta ou Grégoire Margotton. A  ans, j’étais en folie. Je débarquais à h et je repartais à minuit. C’était fabuleux...

Et finalement vous avez signé à RMC...

C’était en mai . J’étais encore étudiant. Cette maison, je l’aimais. Elle est attachante et pour moi, c’est sincèremen­t la plus belle des radios. Elle est écoutée à la fois par les CSP plus et le peuple, dans toute sa diversité. Elle m’a tout donné. C’est, à mes yeux, le meilleur centre de formation. Puis le meilleur club...

Vos premiers pas sur les ondes ?

J’y suis rentré comme stagiaire et j’y suis resté. Signant mon CDI en novembre . Sans finir mon cursus. Atypique, non ?

Preuve aussi de votre talent...

Merci, c’est gentil. Disons que le plus important à mes yeux c’est la valeur travail. La rigueur aussi. En deux ans et demi, je n’ai dû prendre qu’un week-end !

A  ans, vous étiez pris dans le tourbillon de la vie...

J’étais célibatair­e, c’était plus facile qu’aujourd’hui. J’étais concentré exclusivem­ent sur le travail...

Et aujourd’hui que vous avez trouvé l’amour ?

Je conçois que mon mode de vie est un peu compliqué. Mon portable ne s’arrête jamais de sonner. Même la nuit ! Mais je ne vais pas me plaindre. Il y a des gens qui souffrent. Font les trois huit. Moi, si un jour je viens à me plaindre, qu’on me mette une torgnole...

Comment parvenez-vous à tisser des liens de proximité avec, par exemple, le PSG, plutôt fermé ?

Je pense que c’est lié à ma personnali­té, à ma fidélité. Le foot est un milieu où tout le monde se connaît. Où le bouche-à-oreille fonctionne très bien. La trahison n’est pas dans mon ADN et ça se sait. Je préfère rater une info que perdre la confiance d’un joueur ou d’un dirigeant. Un scoop ne vaut pas une relation humaine sincère.

C’est quand même un univers impitoyabl­e...

Disons que travailler dans le foot, c’est compliqué. La concurrenc­e est féroce, notamment avec la multitude de sites internet. Gagner la confiance d’un joueur n’est pas facile...

Joueurs souvent intouchabl­es...

On les a, pour la plupart, déresponsa­bilisés. On leur inculque, aussi, que le journalist­e n’est pas une personne de confiance. Pourtant, le footballeu­r n’est pas un gars compliqué. Il n’est pas un débile non plus. Il sait être malin, caustique, drôle...

Il peut aussi devenir votre ami en dépit de votre métier...

Je pense que l’objectivit­é est un mythe. Le plus important, c’est la neutralité. Il faut de la transparen­ce, de la clarté, de l’honnêteté. A RMC, parfois ça balance pas mal. Notamment nos consultant­s. J’ai eu des soucis avec certains joueurs. J’en ai même perdu de vue. Mais en règle générale, un footballeu­r sait s’il a été bon ou mauvais. Il accepte la critique.

En parlant de consultant, Dugarry partirait de RMC...

Là, ce n’est pas mon rayon. Je laisse à d’autres le soin de vous répondre...

Un mot sur la Ligue des champions, un joli cadeau ?

Un cadeau inespéré même ! Une chance formidable, magnifique. Dans les plus beaux stades européens, on a la capacité de faire vibrer les gens. C’est un rêve et j’en remercie nos patrons, en particulie­r Alain Weil toujours très impliqué. Ils nous ont permis de replacer le foot au centre du jeu. Avec de l’expertise. Nos audiences sont belles et j’en suis très fier.

‘‘ Si un jour je viens à me plaindre, qu’on me mette une torgnole”

Vous vibrez aussi ?

Je garde mes émotions. Même si lorsque le PSG en met trois au Real, c’est fort. Ça serait peut-être plus compliqué avec mon club de coeur, l’OM...

Depuis l’arrêt des championna­ts, dans quel état est votre rédaction ?

Ce n’est pas évident, comme pour tous les médias. C’est dur, mais on tient le cap avec quasiment six heures de sport par jour. Du direct. Mais c’est toujours dans les grandes crises qu’on voit les grands journalist­es.

‘‘ Les appels au 119 ont explosé. Il est urgent d’agir. De réagir...”

‘‘ Mieux vaut l’avoir (Boudjellal) avec soi que contre soi”

Vous étiez pour ou contre la reprise des compétitio­ns ?

C’est une bonne nouvelle que la saison soit terminée. La menace était trop forte. Le plus important, c’est la santé. Des citoyens et le footballeu­r est un citoyen.

Savez-vous que Mourad Boudjellal est candidat à la reprise du Sporting Toulon ?

J’ai un peu suivi le dossier. J’ai déjà beaucoup d’affection pour Mourad Boudjellal. C’est un self-made-man talentueux. Ce qu’il a réussi avec le RCT est formidable. C’est en plus un homme déterminé et, même si le Sporting n’est paraît-il pas à vendre, Boudjellal peut être utile. Et, croyezmoi, mieux vaut l’avoir avec soi que contre soi. En tout cas, grâce à lui, à chaque fois que je passe à Toulon je regarde Mayol avec respect.

Le Var, une terre de connaissan­ce ?

Le plus beau départemen­t de France. La région PACA est splendide. La vie y est douce. Les gens chaleureux et j’ai beaucoup de sympathie pour eux. Cet été, si c’est possible, j’y viendrai. Et j’invite tous les Français à profiter de la France. Il y a tellement de beaux endroits...

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