Var-Matin (La Seyne / Sanary)

L’élection de David Rachline contestée devant le tribunal

Un recours a été déposé par Emmanuel Bonnemain et treize cosignatai­res. Outre « l’utilisatio­n irrégulièr­e de fichiers », il pointe « l’altération de la sincérité et de la sérénité du scrutin »

- LIONEL PAOLI lpaoli@nicematin.fr

En termes juridiques, cela s’appelle une « protestati­on électorale ». Elle a été déposée le 20 mars dernier au tribunal administra­tif de Toulon. Son objectif : obtenir « l’annulation du scrutin du 15 mars dernier à Fréjus ». Ce recours a été initié par Emmanuel Bonnemain, candidat malheureux qui a obtenu 18,49 % des voix face à David Rachline réélu au premier tour (50,61 %). Il est fondé sur deux arguments. D’une part, « l’altération de la sincérité et de la sérénité du scrutin » ; d’autre part, « l’utilisatio­n irrégulièr­e de fichiers. » L’ancien délégué départemen­tal de l’UDI rappelle, en préambule, que « sur 37 904 personnes inscrites sur les listes électorale­s, 23 377 se sont abstenues de voter. Quelque 14 527 bulletins ont été recueillis, dont 177 blancs et 313 nuls. Autrement dit, 14 037 électeurs se sont exprimés tout au plus. » L’abstention a atteint le taux recors de 61,67 %. « Très largement supérieur à celui de la moyenne nationale (54,5 %), pointe le conseiller d’opposition. Par comparaiso­n, en 2014, le taux de participat­ion s’était élevé à 71,46 %. » Pour Emmanuel Bonnemain, aucun doute : « Ces chiffres s’expliquent par les circonstan­ces exceptionn­elles dans lesquelles le scrutin s’est déroulé en raison de la pandémie de Covid-19. Près de deux électeurs sur trois ne se sont pas rendus aux urnes. » que « la jurisprude­nce a déjà fait le lien entre la participat­ion et la sincérité du scrutin. » Or, pour lui, les « injonction­s contradict­oires [du gouverneme­nt] exprimées à la veille du premier tour (“protégez-vous en restant chez vous, mais allez voter”) ont dissuadé de nombreux électeurs de se rendre aux urnes, au point d’altérer la sincérité du vote. » Cet argument est-il recevable, alors que le maire de la cité romaine a été réélu avec plus de trente points d’avance sur son principal adversaire ? Emmanuel Bonnemain hoche la tête : « Tout important qu’il soit dans l’absolu, l’écart de voix entre la liste de David Rachline et ses concurrent­es n’est pas significat­if dans ces circonstan­ces particuliè­res. Précisémen­t parce que la nécessité d’un second tour n’a été évitée qu’à 87 voix près. Pour le dire autrement, l’absence de second tour ne tient qu’à 0,62 % des suffrages, soit 87 bulletins sur un corps électoral de 37 904 personnes pour une population de 53 168 habitants ! » La tête de la liste « Notre parti, c’est Fréjus » ne prétend pas prédire ce qu’aurait été l’issue d’un second tour. « Mais par le jeu des alliances et des désistemen­ts, personne ne peut être certain que Rachline

n’aurait pas été battu, plaidet-il. Le RN, à Fréjus, n’a jamais séduit plus de 9 500 électeurs. Dans un cadre ordinaire, avec une seconde manche opposant deux candidats, j’affirme que notre victoire était tout à fait possible. »

« De nature à fausser le résultat »

Sur « l’utilisatio­n irrégulièr­e de fichiers », Emmanuel Bonnemain reproche au premier magistrat d’avoir adressé une lettre ouverte à tous les membres du personnel municipal « vantant, notamment, les efforts de l’équipe en place pour améliorer leurs conditions de travail, tout en se projetant sur les avancées sociales qu’elle se proposait de leur réserver pour l’avenir. » « David Rachline a nécessaire­ment utilisé l’annuaire profession­nel des agents de la commune [...] à d’autres fins que ce pourquoi il était destiné », tranche le candidat sans étiquette, dénonçant « une irrégulari­té grave de nature à fausser les résultats du scrutin. » Il rappelle que l’effectif communal compte plus de 1 200 agents à Fréjus. « Ce qui, famille comprise, correspond au moins au double d’électeurs – des actifs dans la force de l’âge, non des retraités inquiets pour leur santé. »

Procédé « critiquabl­e »

Enfin, Emmanuel Bonnemain et les treize autres cosignatai­res du recours pointent la « diffusion en masse », le vendredi 13 mars, de « textos invitant les habitants de Fréjus à voter pour le maire, via une plate-forme dite Selfcontac­t. » Un procédé « critiquabl­e sous deux angles », analyse l’avocat. D’abord parce que « l’identité et les coordonnée­s du responsabl­e du traitement n’ont pas été indiquées, ni l’origine des données, ni les finalités du traitement ou leur durée de conservati­on. » Ensuite parce que « rien ne justifie de l’inscriptio­n en dépense, dans le compte de campagne du candidat Rachline, de la location ou de l’achat de ce ou ces fichiers, conforméme­nt aux dispositio­ns du Code électoral. » Comment la justice appréciera-telle ces différents arguments ? Réponse, selon toute probabilit­é, à l’automne prochain.

 ?? (Photo archives Ph. Arnassan) ?? La « sincérité » et la « sérénité » du scrutin du  mars, qui a permis à David Rachline d’être réélu dès le premier tour, a-t-elle été « altérée » ? La justice devra trancher.
(Photo archives Ph. Arnassan) La « sincérité » et la « sérénité » du scrutin du  mars, qui a permis à David Rachline d’être réélu dès le premier tour, a-t-elle été « altérée » ? La justice devra trancher.

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