Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Quoi qu’il en coûte…

- de CLAUDE WEILL Journalist­e, écrivain et chroniqueu­r TV edito@nicematin.fr

Imaginez que vous soyez Gérald Darmanin et que – si l’on a bien compris la mise au point d’Édouard Philippe – vous deviez choisir entre la mairie de Tourcoing et le ministère des Comptes publics. Gardons-nous de lui donner un conseil. Mais si l’on peut se permettre une remarque… Tenir les comptes publics, par les temps qui courent, on ne souhaitera­it pas ça à son pire ennemi. Il faut être maso. Avec une récession « historique » au premier trimestre (-5,8 %) et des dépenses qui flambent, le ministre en charge, sauf à être magicien ou alchimiste sachant changer le plomb en or, sera d’abord le ministre du trou. Un trou dont nul ne voit le fond et qui se creuse jour après jour, au rythme des plans de sauvetage et des mesures de soutien. Au dire des experts, le déficit public atteindrai­t 9 % du PIB à la fin de l’année. Estimation qu’il est permis de juger... optimiste. Tout sera mis en oeuvre pour sauver l’économie « quoi qu’il en coûte », a promis Emmanuel Macron, le 12 mars. Ce genre de promesse engage. L’État a tenu parole. Indemnisat­ion du chômage partiel (selon les modalités les plus généreuses au monde), reports de charges et d’impôts, aides aux micro-entreprise­s, primes aux soignants, aides aux compagnies aériennes, à l’industrie automobile (8 milliards), hausse des salaires des enseignant­s (un héritage de feue la réforme des retraites), et demain plan hôpital, projet dépendance… La valse des milliards donne le tournis. Tout cela est bel et bon et nul ne s’en plaindra (on se plaindrait plutôt du pas assez que du trop). On ne parle pas d’argent au chevet d’un malade. Mais demain ? À mesure que décroît le risque sanitaire (croisons les doigts en écrivant cela), le pays, placé sous assistance respiratoi­re, va retrouver une vie « normale » ; et l’économie reprendre ses droits. En une de la presse, la courbe de croissance succédera à celle des contaminat­ions. Et, craignons-le, la liste des plans sociaux à l’horrible litanie des entrées en « réa » et des décès. Et si c’était ça, la deuxième vague redoutée ? Inéluctabl­ement, il faudra passer du « quoi qu’il en coûte » au « combien ça coûte ». Au gouverneme­nt de savoir tracer un chemin entre la nécessité de financer dettes et dépenses nouvelles et la dangereuse tentation d’augmenter les impôts – le remède serait pire que le mal s’il cassait la dynamique de la reprise. Tout cela, dans une situation inédite, où nul, ni expert, ni ordinateur, ni manuel d’économie, ne sait prévoir comment le navire tiendra la mer après trois mois en cale sèche. Quel que soit le ministre des Comptes, on lui souhaite bien du plaisir.

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