Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Baron Noir, président !

Portée par un Kad Merad brillant, la série politique de Canal + rallie tous les suffrages

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Peut-on passer du personnage loufoque de Jean-Michel Apeupré, chanteur qui connaît « à peu près » les paroles de ses chansons préférées à Philippe Rickwaert, député-maire PS de Dunkerque et qui ambitionne l’Élysée ? Sur le papier, non. Mais Kad Merad, plutôt à l’aise dans les personnage­s comiques, a réussi ce drôle de pari dans la série Baron Noir. Cette production Canal + vient de terminer la diffusion de sa troisième saison en février dernier et Merad porte toujours la série politique tout en haut des réussites hexagonale­s. Presque un miracle quand on connaît la frilosité des production­s françaises à s’aventurer dans le domaine de la fiction politique. Avant Baron Noir, il y a bien eu Reporters, en 2009, ou le très sous-estimé Les Hommes de l’ombre, en 2012, mais c’est peu, comparé à la matière première. Surtout quand on voit le succès du genre en dehors de nos frontières : 1992 (série italienne qui raconte les années Berlusconi), BOSS, House of Cards, Veep, Àla Maison-Blanche, Borgen, Years and Years, ou Spin City. En 2016, Canal + décide de lancer Baron Noir, le surnom de Julien Dray au Parti socialiste, sous les plumes d’Eric Benzekri et JeanBaptis­te Delafon. Le synopsis de la première saison est couché sur le papier : un face-à-face fratricide entre un député socialiste du Nord (Merad) et son ancien mentor, taulier de l’Élysée (Niels Arestrup).

Magouilles, campagnes, élections et trahisons

C’est le point de départ d’une série, brillante, à l’écriture parfaite, qui nous emmène au coeur de la machine du PS mais aussi du monde politique français. Les militants, les magouilles, les élections, les campagnes, les alliances, les Présidenti­elles, les coups bas, les trahisons, les condamnati­ons, les résurrecti­ons, tout y passe avec précision. Après une seconde saison toujours aussi bien documentée qui a vu la première secrétaire du Parti socialiste, Amélie Dorendeu (Anna Mouglalis tout en maîtrise, cigarette et timbre de voix façon Barry White) prendre plus d’épaisseur, la troisième saison remet Rickwaert sur le devant de la scène face à un Michel Vidal (impeccable François Morel) dont le personnage est largement inspiré de JeanLuc Mélenchon. Tout sauf un hasard puisque Benzekri est un ancien militant socialiste et ex« sabras », ces jeunes militants mélenchoni­stes des années 1990. Baron Noir possède une vraie force intellectu­elle car elle vulgarise le combat politique tout en le rendant passionnan­t et pointu. Sans oublier la prise de risque de ses auteurs car il aurait été plus facile, et sans doute plus vendeur, de dépeindre un monde politique rempli de pourris sans foi ni loi. Mais ce n’est pas le cas, on y croise encore des militants qui ont toujours la foi et des hommes politiques intègres. Et puis cette constante capacité à dénuder le roi, car c’est aussi ça la politique, fragiliser celui qui est sur le trône. Coûte que coûte. Terribleme­nt d’actualité, parfois à la limite de l’anticipati­on notamment sur la crise des gilets jaunes et la puissance des réseaux sociaux, la série éclaire sur le présent, autopsie à sa manière un territoire donné tout en disséquant la société. Crédibilis­é par sa première saison – précise, authentiqu­e, parfaite – Baron Noir aura eu le mérite de remettre le PS au centre de la pensée commune. D’ailleurs, chaque nouvelle saison fait beaucoup parler au sein du parti politique. Elle y est attendue autant que crainte. Pendant longtemps, on a pesté sur ce coup de projecteur sur le vrai

Baron Noir – Julien Dray – telle une jalousie maladive. On croise beaucoup d’idées politiques au cours des trois saisons et peutêtre, c’est sans doute le seul défaut minime de la série, pas assez de pratique politique. Par facilité, on pourrait qualifier Baron Noir de House of Cards tricolore mais la version française monte en puissance quand sa grande soeur américaine se perd en thriller psychotiqu­e.

House of Cards tricolore ?

Quatrième saison pour la Présidenti­elle

Mieux, Baron Noir réussit le miracle, pas forcément évident au départ, de coller à l’actualité. La quatrième saison devrait sortir au moment de la prochaine élection présidenti­elle française. De quoi abreuver Eric Benzekri en matière première. « Ne m’en parlez pas...», avait soufflé le coscénaris­te en février dernier au moment de la diffusion de la troisième saison. Vivement 2022 !

MATHIEU FAURE Baron Noir, 3 saisons, disponible sur My Canal.

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