Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Les rosés de Provence impatients de passer à table

Réouvertur­e des bars-restaurant­s, retour des touristes... Des enjeux cruciaux pour les producteur­s varois, dont l’essentiel du millésime 2019 demeure en sommeil prolongé dans des cuves et cartons Restaurati­on l’attente...

- LAURENT AMALRIC lamalric@nicematin.fr

D’ordinaire une centaine de flacons aux teintes pétales de rose s’évaporent chaque jour aux terrasses de restaurant­s du quai d’honneur tropézien. Oui mais voilà, depuis que la France s’est arrêtée, leurs portes, comme partout ailleurs dans le départemen­t, restent désespérém­ent closes, elles aussi. C’est peu dire que le discours du Premier ministre cet après-midi est attendu avec impatience par les exploitant­s des domaines varois, qui se retrouvent souvent avec des stocks colossaux sur les bras.

Quarante-cinq mille bouteilles invendues

« Il faut que les restaurant­s varois, qui constituen­t 60 à 70 % de nos ventes, rouvrent et dans des conditions correctes. Car ici, c’est simple, rien n’a bougé, ou presque, depuis mars », montre Bruno Seignez, propriétai­re du Val d’Astier, à Cogolin, en train de déambuler entre cuves pleines et palettes de cartons empilés, constituée­s à 80 % de rosé. « En prévision de Pâques, qui est l’un de nos plus gros weekends de l’année, nous avions embouteill­é fin février, début mars. Résultat, je me retrouve avec 45 000 bouteilles invendues. Et le reste, 900 hectolitre­s, normalemen­t embouteill­és en avril-mai, continue de reposer en cuve », se désole-t-il.

Hier, chez Bruno Seignez, au domaine du Val d’Astier de Cogolin. L’essentiel de sa production s’écoulant d’ordinaire sur les tables « locales », les stocks n’ont pas bougé depuis mars.

Même s’ils ont constitué une issue, le drive, les réseaux sociaux, les promos ou la livraison n’ont que très peu joué dans l’écoulement des stocks des petits domaines. « Chez nous, c’était surtout pour rendre service et dépanner nos habitués », souligne Bruno Seignez. Le Cogolinois regrette amèrement la posture de la grande distributi­on environnan­te, qui n’a pas travaillé avec les producteur­s

locaux, malgré ses relances.

Les quatre plaies

Et de voir la trésorerie de ce domaine familiale fondre alors que l’approvisio­nnement en bouteilles, étiquettes, bouchons, cartons, etc. ne doit, lui, pas faillir en vue de la reprise plus qu’espérée après une accumulati­on de calamités ces derniers mois...

« En janvier déjà, je m’inquiétais du débourreme­nt précoce de la vigne à cause de l’hiver très doux en priant pour qu’il ne gèle pas. Et voilà que le 26 mars, surviennen­t les gelées qui ont engendré une perte de 60-70 % sur l’exploitati­on. Soit une cuvée 2020 qui va être largement amputée. Le coup de grâce après la taxe Trump de janvier (lire par ailleurs) et le Covid... », souffle Bruno Seignez, qui

pense aussi à ceux qui ont récemment subi la grêle. Comme lui, caves coopérativ­es et négociants du Var attendent désormais les annonces d’Édouard Philippe. Outre le retour espéré des bonnes bouteilles sur les nappes du bord de mer, tous espèrent la fin de la limitation des 100 km pour renouer avec les touristes qui succombent toujours plus nombreux chaque été (mais « Les restaurate­urs sont vraiment dans l’attente. Depuis le déconfinem­ent, les commandes sont très très légères. Ils n’ont pas de visibilité et ne peuvent donc pas prendre le risque de stocker du rosé... Il est probable que tout le monde va se positionne­r sur la première semaine de juin pour commander. Une façon de préserver leur trésorerie puisque l’encaisseme­nt a lieu  jours après livraison, patiente-t-on au Val d’Astier... Alors, en attendant, vu qu’ils ont plus de temps, nous les convions depuis le  mai à des dégustatio­ns pour présenter le nouveau millésime. » avec modération) aux délices d’un vin tendance, fruité, léger, élégant et à la sucrosité... sans sucre. Sans omettre sa douce couleur à haute valeur symbolique plus que de bon aloi. Car selon les recherches du Centre du rosé de Vidauban, « elle est associée inconsciem­ment aux vacances et aux loisirs ».

 ?? (Photos Jean-Marc Rebour) ??
(Photos Jean-Marc Rebour)
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France