Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Lutter contre ses démons

Le diable se cache partout, même dans une famille de pasteurs ! Cette série remarquabl­e interroge sur le pouvoir de la foi religieuse dans les relations sociales et familiales

- ALAIN MAESTRACCI

Au nom du père. C’est bien sûr ainsi que les chrétiens commencent leur prière. Mais ici, il est également, et beaucoup, question du père de famille, de la famille Krogh. Nous sommes au Danemark en 2017 ; dans cette famille on est pasteur de père en fils depuis plus de deux cent cinquante ans. Johannes, l’actuel chef de famille – interprété par Lars Mikkelsen qui, en 2018, a reçu l’Internatio­nal Emmy Awards dans la catégorie Meilleur acteur – espère logiquemen­t devenir évêque. Mais c’est une femme qui est choisie à sa place. Car au Danemark, l’Église nationale est luthérienn­e et donc hommes et femmes peuvent être pasteurs. Désavoué, il disparaît alors de chez lui et noie sa déception dans l’alcool, inquiétant et décevant une nouvelle fois son épouse, Elisabeth. On a donc là un père peu catholique qui boit beaucoup et qui trompe aussi sa femme ! Jusqu’au jour où... il va se passer quelque chose de terrible qui va tout changer dans le comporteme­nt de cette famille. Car s’il y a le père, il y a aussi, et heureuseme­nt car elle canalise un peu son mari, la mère ainsi que deux enfants. De grands garçons. Deux beaux gosses. Mais totalement différents. Christian, l’aîné en froid avec son père, a abandonné ses études de théologie pour une école de commerce. Mais c’est un tricheur et ses amis avec qui il devait créer un projet l’excluent. Et puis il y a le cadet. August. Lui, comme son père a choisi la carrière ecclésiast­ique. Tout semble lui sourire : il officie dans une église en vue dans la capitale danoise, il a une femme vraiment charmante, Emilie, une jeune médecin. Un jour, on lui propose un poste d’aumônier dans un camp militaire danois au Moyen-Orient. Il hésite, en parle avec sa femme mais ce poste c’est son désir le plus cher alors il part. On en est là du premier épisode de la première saison. L’action est posée, les rebondisse­ments ne manquent pas, le montage est parfait puisqu’il est rythmé et sans longueur. Alors on continue et, là, dans le deuxième épisode, les choses changent. Au MoyenOrien­t, le jeune aumônier va vivre, et nous avec lui tellement c’est intense, une scène de combat terrible. Nous n’en dirons pas plus sur la suite, cela gâcherait l’intérêt de la découverte. Car la série Au nom du père mérite franchemen­t d’être visionnée.

Par le créateur de la série Borgen

En effet, à l’instar des thèmes chers à de grands cinéastes scandinave­s, cette série créée par Adam Price – qui s’était fait remarquer avec la série Borgen – brosse donc les portraits complexes d’un pasteur de Copenhague, de ses deux fils et de sa femme aux prises avec le doute, la culpabilit­é et les défis du monde contempora­in. Au nom du père n’est pas une série au nom de l’Église mais plutôt une série qui donne à réfléchir. Sur quoi ? Sur le pouvoir de la foi religieuse dans les relations sociales et familiales par exemple, tout en questionna­nt la notion d’engagement sous toutes ses formes. Ce qui en fait également l’intérêt, outre ses remarquabl­es acteurs, c’est qu’elle ne parle pas que du protestant­isme puisqu’elle évoque également les autres croyances comme on pourra le voir, entre autres, toujours dans le deuxième épisode, avec August et un musulman qui s’entendent parfaiteme­nt. Ça donne, en effet, à réfléchir. On pourra voir Au nom du père comme une critique du patriarcat dominé par le père, ce pasteur destructeu­r, mais lui comme les autres hommes ne manquent pas d’humanité. Ils essayent de lutter contre leurs démons et c’est cela qui est passionnan­t dans cette série. Heureuseme­nt, ils ne sont pas seuls. Il y a la foi bien entendu mais il y a aussi des femmes qui les aident beaucoup.

Dans cette famille du Danemark, on est pasteur de père en fils depuis  ans

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