« Mourir entouré des siens est un droit »
Comment jugez-vous les mesures prises pour contrer le virus ?
Très sévèrement. Le confinement général, pendant ces deux derniers mois, aura des conséquences économiques et sociales monstrueuses pour avoir tenté d’éviter une infime proportion de morts qui n’étaient pas illégitimes eu égard à la durée de la vie humaine restante. Nous avons succombé à l’urgence, paniquant à la survenue d’une pandémie, moins meurtrière qu’on ne pouvait le craindre, tétanisés par les médias en boucle, incapables de réfléchir collectivement aux conséquences de notre choix. Je pense en particulier au sort de nos aînés. Une société qui isole ses aînés n’est plus digne de confiance ;
elle devient un goulag à vieillards, la plus sordide et silencieuse des dictatures.
Vous faites référence à tous ceux qui se sont éteints seuls ?
C’est une mort ignoble. Mourir entouré des siens est plus qu’un droit, c’est un devoir que nous devons à nos aïeux. Il s’agit de la seule valeur réellement universelle dans la reconnaissance de l’autre au-delà de ses fragilités, quelles que soient les civilisations. Ce monde techno-branché est profondément haïssable quand il nous fait perdre ce qui nous relie : un sourire, un regard, un mot, remplacés par des likes et des émojis affligeants de nullité compassionnelle. Dans cet environnement de manipulations numériques qui flirtent avec le transhumanisme, rappelons-nous que l’homme ne se réduit pas à une compilation d’organes à réparer, remplacer ou upgrader pour aller tutoyer une immortalité sans valeur ajoutée autre que la durée. C’est la
densité d’être qui m’intéresse, pas la quantité. C’est la profondeur des relations que je noue qui me fait vivre, pas la longévité. C’est la présence de l’autre, le partage, la compassion et l’estime que je veux connaître avant de mourir à ses côtés. Pas seul, non, jamais seul !