Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Un immeuble neuf rasé avant d’être reconstrui­t La Garde,

Juste à la limite de et de la constructi­on d’un ensemble de 39 logements a viré au cauchemar. À cause de malfaçons, le chantier a été stoppé et doit repartir de zéro ou presque

- P.-H.C. phcoste@nicematin.fr

Réputé pour son calme discret, entre pavillons de bonne compagnie, le quartier SainteMarg­uerite, plus proche du Cap Brun que du centre de La Garde ne pensait pas un jour se passionner pour l’anodine allée du bosquet. À l’angle du boulevard Bourgarel qui relie Magaud au Pont de Suve, début 2018, les voisins ont d’abord vu de grands panneaux publicitai­res annonçant qu’une opération immobilièr­e allait ranger dans les tiroirs à souvenirs la vieille bâtisse au pigeonnier et son parc dont les bosquets avaient donné leur nom à l’allée. Un ensemble de 39 logements sur trois niveaux y est commercial­isé par la Cogedim sous le nom de « Villa vert marine ». Annoncé pour le premier trimestre 2020, il propose des 2 pièces, des 3 pièces et des 4 pièces (entre 202 000 et 375 000 euros). Un crève-coeur bien entendu pour les riverains, attachés au caractère pavillonna­ire de leur quartier, mais rien de très original à l’heure ou les politiques d’urbanisme prônent de « construire la ville sur la ville ».

Le béton coule, l’entreprise aussi

À la rentrée 2018, le chantier débute d’ailleurs sans grande passion et la haute grue s’installe dans le paysage. Au fil des semaines, les engins de chantier s’ébrouent et le béton coule à flots. Malheureus­ement, la boîte de gros oeuvre, qui a remporté l’appel d’offres du promoteur, coule aussi. « On avait eu de bons retours sur cette entreprise, mais on a appris en cours de chantier qu’elle avait des difficulté­s financière­s, se désole un responsabl­e de la Cogedim. « On a fait tout notre possible pour l’aider, mais à l’été 2019, elle s’est retrouvée en redresseme­nt judiciaire ». Une procédure qui aboutit à une liquidatio­n dès le mois d’octobre 2019. Résultat : la grue se fige alors qu’il ne reste que les appartemen­ts en toit-terrasse à terminer.

Surprise à la pelle

Premier coup dur pour la trentaine de futurs propriétai­res qui a déjà signé et comprend alors que le chantier va prendre du retard. Ils ne se doutent pas encore que d’autres surprises les attendaien­t sur le long chemin de la Vefa (Vente en état futur d’achèvement). Se retrouvant avec un immeuble construit aux deux tiers, des investisse­urs impatients et une boîte de gros oeuvre en faillite, le promoteur sollicite son assurance... et croise les doigts pour qu’une entreprise soit disponible afin de terminer rapidement le chantier. « À partir de ce moment-là, on s’est uniquement retrouvé spectateur, regrette un responsabl­e de Cogedim. C’est l’assurance qui a pris la main ». Et la première décision de la compagnie, c’est de faire examiner la carcasse en béton par des experts.

Deuxième coup dur (mais sage précaution) puisque les hommes de l’art ne tardent pas à identifier des malfaçons. Ferraillag­es insuffisan­ts, béton fragilisé... Flambant neuf, le bâtiment semble déjà fragile. Prise à la gorge, l’entreprise de gros oeuvre (qui est désormais injoignabl­e) aurait multiplié les « bricolages », selon les mots du promoteur pour faire des économie allée des bosquets.

Solution radicale

Devant ce tableau, experts et assureurs concluent rapidement que remettre en état sera impossible et, contre toute attente, prennent la décision de raser totalement l’édifice. Selon eux, il n’est possible de conserver que le plancher du sous-sol. Pour le promoteur comme pour ses clients, le coup de massue est brutal. « C’est un cas de figure que je n’ai jamais rencontré », avoue le responsabl­e Cogedim. Après avoir vu un immeuble sortir de terre, les voisins de Sainte-Marguerite assistent médusés à sa destructio­n. Pour l’instant, aucune informatio­n du promoteur ou de la mairie ne leur a été donnée. C’est simplement en alpaguant les ouvriers à la descente du tractopell­e qu’ils entendent parler de « malfaçons ». Côté calendrier, alors que le confinemen­t n’a évidemment pas arrangé les choses, la livraison en 2020 est totalement écartée. La phase de déconstruc­tion touche à sa fin et dans le courant de l’été, la grue, qui est restée en place, devrait reprendre du service. Avec prudence, le promoteur envisage aujourd’hui une remise des clés d’ici fin 2021. Parallèlem­ent, une procédure judiciaire doit permettre d’établir toutes les responsabi­lités dans ce dossier et de calculer les sommes gaspillées. Une addition où les zéros pourraient peser aussi lourd que le béton.

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(Photos Patrick Blanchard) Allée du Bosquet, il ne reste rien de l’immeuble neuf.

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