Var-Matin (La Seyne / Sanary)

On révise ses classiques

- A. H.

L’histoire d’un Chinois richissime qui accoste une jeune fille de 15 ans, chapeau vissé sur la tête, en 1930, sur un bac qui traverse un bras du Mékong. Bon. Pas fou sur le papier. Sauf quand Marguerite Duras l’y couche. De ses souvenirs, l’auteur a donné naissance à L’Amant. Publié en 1984 aux éditions de Minuit, ce petit bijou reçoit le Goncourt la même année. Elle y raconte une histoire d’amour belle, impossible, calme et torturée. Entre deux êtres que treize ans, deux cultures et quelques strates sociales séparent. Dans ces 148 pages, un monde exotique et sensuel s’épanouit. Le tout dans un style – dont elle « ne [s’] occupe pas », dira Duras en interview – qui parle directemen­t, parfois à la limite de l’acceptabil­ité. C’est l’étrange l’effet que procurent les phrases de Duras. Naturelles, musicales, elles semblent couler de source. « Un jour, j’étais âgée déjà », entame-t-elle. Comment ne pas vouloir continuer à lire ? S’ensuit : « Très vite dans ma vie il a été trop tard. À dix-huit ans il était déjà trop tard. » On sent les respiratio­ns, le rythme, et même les hésitation­s. Car Marguerite Duras s’interroge beaucoup. Sur son enfance, son vieillisse­ment, sa mère, ses frères, sa sexualité... Les passages avec son amant sont d’une sensibilit­é inouïe. Parfois, le « je » devient « elle ». Comme si Duras, qui a 70 ans quand elle écrit cette oeuvre, se voyait, était spectatric­e de ses souvenirs. Ça pourrait être confus mais c’est, une fois encore, terribleme­nt juste. « La rêverie d’un homme qui a voyagé est autrement plus riche que celle d’un homme qui n’a jamais voyagé. » Les mots d’Henri Matisse introduise­nt le propos de Raphaël Millet, le réalisateu­r de Matisse voyageur - En quête de lumière. Ce documentai­re, poétique et chatoyant, diffusé cet après-midi à 18 h 05 sur Arte, plonge son spectateur dans les périples où l’influent peintre a enrichi sa palette et décloisonn­é son regard. Le voyage pour briser les carcans et s’ouvrir au monde. Ça commence en 1895 à Belle-Île-enMer. Matisse y découvre le « ciel de nacre » et son regard s’éclaire. Puis, installé en Corse en 1898, il y fait l’expérience de la lumière. Sur cette île, « tout brille, tout est couleur », dirat-il, devant une mer « tellement bleue qu’on en mangerait ».

« À Nice, la lumière joue le premier rôle »

Plus tard, Saint-Tropez, où il découvre, avec Signac, le pointillis­me alors appelé divisionni­sme.

Suit, en 1905, la lumière des teintes méditerran­éennes de Collioure, dans un mouvement qui le mènera, aux portes du fauvisme, en Algérie (1906), en Espagne (1910) puis au Maroc (1912), avant de s’installer à Nice, dans les années vingt. «Lepaysoùla lumière joue le premier rôle. » Matisse part ensuite à New York, il s’essaie à la photograph­ie, se sent « vingt ans de moins. » En 1930, l’artiste embarque pour la Polynésie. Ce séjour va marquer la dernière étape de sa vie artistique, transition vers l’art contempora­in. Un chapitre qu’il poursuivra à Vence, dans la chapelle du Rosaire. Didactique, ce documentai­re se laisse emporter par l’éloquence intarissab­le des tableaux et des mots du maître.

Aujourd’hui, à 18 h 05 sur Arte.

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