Signé Roselyne
Lundi
Aujourd’hui, s’ouvre le « Ségur de la Santé » destiné à tirer les leçons de la crise pandémique qui a failli submerger le système hospitalier et à le sortir d’une crise sociale qui y perdure depuis plusieurs mois. Il serait injuste de faire des procès d’intention mais le simple examen des quatre thèmes retenus pour structurer les travaux suscite des interrogations et des doutes. Une fois encore, la place accordée à l’hôpital est massive et l’hospitalo-centrisme qui mine la performance sanitaire de notre pays est à l’oeuvre. Le premier atelier est consacré à l’augmentation des rémunérations et à l’amélioration des parcours de carrières. Nul doute que nos hospitaliers, auréolés de leurs efforts magnifiques durant le pic pandémique et forts du soutien de l’opinion publique, ne se contenteront pas de pourboires et de colifichets. Le deuxième chantier continue par les effacements de dette, un plan massif d’investissement et la simplification de la tarification. Mazette, c’est open bar dans le pays… Le troisième volet évoque un choc de simplification et l’abandon de certaines procédures normatives. Pourquoi pas, mais j’ai toujours un doute quand on claironne ce genre d’intentions qui se solde en
général par un simple remaniement des formulaires. Enfin le dernier thème aborde le coeur des dysfonctionnements qui nous préoccupent : le décloisonnement et la territorialisation de la chaîne médecine de premier recours-hôpital-médico-social. En fait, c’est là que se jouera le succès de l’efficience retrouvée d’une politique de santé qui mobilise des financements massifs sans que les soignants et les soignés n’y trouvent leur compte. Tous les outils de ce décloisonnement sont pourtant en place depuis dix ans mais les acteurs ne s’en saisissent pas, englués dans les habitudes et la défense des corporatismes. La crise que nous venons de vivre sera-t-elle l’électrochoc salutaire qui nous fera sortir de nos ornières ? Pour l’instant, j’ai le sentiment que l’on va répondre par du quantitatif à la nécessité absolue d’un saut qualitatif. Allons ne perdons pas espoir, je me trompe probablement.
Mardi
Les premières réactions à l’ouverture du Ségur de la santé confirment
mes appréhensions. Comment apporter un remède au malade si le diagnostic souffre d’autant de biais ? J’en prendrai quelques exemples. Les hôpitaux seraient sous-financés et donc obligatoirement endettés… sauf que quasiment la moitié ne le sont pas et certains sont même en excédent budgétaire. Les services d’urgence seraient débordés… sauf que ce n’est pas le cas pour % d’entre eux. La TA – tarification à l’activité qui veut que le financement de l’hôpital soit en partie fonction du nombre d’actes qui y sont effectués, de leur complexité et de la précarité des malades accueillis – serait la source de tous les maux… sauf que l’alternative passerait par un système de dotation globale qui conduit inéluctablement aux rentes de situation et au rationnement des soins. Le système hospitalier public serait gangréné par une administration pléthorique et bornée rôdant dans les couloirs dans le seul but de fliquer les soignants… sauf que les études ont confondu personnel administratif et personnel de fonctions supports. A moins de considérer que les agents de restauration, de blanchissage ou d’entretien administrent l’hôpital, les chiffres de l’OFCE sont faux. Le personnel administratif ne représente pas le tiers des effectifs mais , % pour l’hôpital public contre , % dans le privé non lucratif et , % dans l’hospitalisation privée ! De façon contre-intuitive se vérifie l’assertion que le système
sanitaire français est mal administré car il est en fait sous-administré. Vers la santé compliquée, mieux vaut ne pas aller avec des idées simplistes.
Mercredi
Interview bien menée par David Pujadas pour LCI du professeur Didier Raoult. Le personnage y poursuit la salve de propos injurieux tenus pour le magazine L’Express. Tout y passe : les journalistes, les politiques, les Parisiens et tous les médecins, professeurs et scientifiques qui ne sont pas d’accord avec lui. Tous des crétins (quoique pour certains, on peut se poser la question !). Je ne vais certainement pas entrer dans un débat où chacun maintenant est persuadé détenir un morceau de la vraie croix. Avec Nicolas Sarkozy, nous avions voulu que l’IHU Méditerranée Infection, avec à sa tête Didier Raoult, soit le fer de lance de la lutte contre les maladies infectieuses en lui donnant une subvention de , millions d’euros, la subvention la plus élevée jamais donnée en France à la recherche biomédicale. Malgré les doutes et les polémiques, je ne regrette absolument pas l’appui sans réserve que j’ai apporté à ce projet. Ce serait bien toutefois que monsieur Raoult évite les mises en cause généralisatrices et outrageantes qui, finalement, le desservent. J’espère que cette prière ne vaudra pas un bourre-pif à la misérable docteure en pharmacie que je suis. Il convient de ne jamais s’élever au-dessus de sa condition…
Jeudi
De la même façon précautionneuse et un tantinet ennuyeuse qui le caractérise, Edouard Philippe détaille la phase II du déconfinement. Les Français semblent d’ailleurs mieux se reconnaître dans cette tonalité plus proche du style d’Angela Merkel que de celui d’Emmanuel Macron. Un regret toutefois qu’il convient de réparer au plus vite. Il n’a pas été question de nos anciens cantonnés dans les Ehpad et quasiment privés de contacts avec leurs familles. Je sais bien qu’il ne faut absolument pas relâcher la garde. Quarante-cinq pour cent des établissements ont encore des cas positifs et la plupart des foyers épidémiques en proviennent. Mais là encore, les résidents et leurs proches ont besoin d’informations, de pédagogie et d’empathie pour supporter un déchirement épouvantable.
Vendredi
Qu’elle est triste cette libération du déconfinement. Les deuils se succèdent et personne n’échappe au chagrin des pertes sans retour. Un proche, une personnalité politique, un humoriste, un acteur, un auteur… Tous ne sont pas morts du coronavirus mais cette cohorte funèbre accompagne nos craintes d’un déclassement. Que ce soit l’ami restaurateur qui m’assure que les restrictions dues au risque sanitaire le contraignent au dépôt de bilan ou l’annonce des licenciements chez Renault et son entrée dans l’épreuve d’une restructuration douloureuse, partout les nuages noirs s’amoncellent. On imagine la catastrophe absolue que serait un nouveau confinement. Ne relâchons pas notre vigilance. Chacun de nous, par des précautions et des sacrifices librement consentis, détient l’avenir du pays entre ses mains.
« Chacun de nous par des précautions et des sacrifices librement consentis, détient l’avenir du pays entre ses mains. »