Biologie de la reproduction: la fin d’un dogme
Des scientifiques de l’Institut de biologie Valrose battent en brèche un dogme établi depuis quinze ans, autorisant à envisager de nouvelles pistes
C’est une étape clé de la reproduction chez les mammifères, dont l’Homme. Bien moins connue que la mitose que l’on pourrait résumer en la division d’une cellule mère en deux cellules filles génétiquement identiques, la méiose est un processus apparenté, mais qui conduit, lui, à la formation des gamètes : les spermatozoïdes et les ovocytes. Décrypter les mécanismes en jeu dans cette division est essentiel si on veut faire progresser la connaissance sur les causes d’infertilité, devenu un vrai fléau de santé publique (lire page suivante). AnneAmandine Chassot et Marie-Christine Chaboissier, chercheuses à l’Institut de biologie Valrose à Nice s’intéressent depuis des années à ce processus qu’elles résument ainsi : « À partir de cellules dites germinales diploïde – possédant 2 N chromosomes (ovogonie chez la femelle, spermatogonie chez le mâle) –, la méiose produit des cellules sexuelles constituées d’1 N chromosomes (ovocyte chez la femelle, spermatozoïde chez le mâle). La rencontre d’un ovocyte et d’un spermatozoïde unit les deux patrimoines génétiques parentaux pour reformer une cellule diploïde, à l’origine du futur embryon, ce qui marque le commencement de la génération suivante. Des anomalies de la méiose ont été associées à des situations d’infertilité. »
Des contraceptifs masculins à l’essai
Il était admis par toute la communauté scientifique, et depuis presque quinze ans, que l’entrée en méiose des cellules germinales chez les mammifères était induite par l’acide rétinoïque, une molécule synthétisée à partir de la vitamine A (aussi appelée bêtacarotène). « Cette conviction était fondée sur diverses études in vitro, mais aussi in vivo .En étudiant l’influence du régime alimentaire sur la reproduction, des chercheurs avaient ainsi montré qu’un régime alimentaire excluant la vitamine A avait pour effet d’induire une infertilité chez la descendance. » Un dogme était ainsi né : sans vitamine A, et donc sans acide rétinoïque, pas de méiose, donc pas de reproduction. Un dogme tellement ancré que certains laboratoires outre-Atlantique envisageaient même de mener des essais cliniques pour des contraceptifs masculins, à base de molécules inhibitrices de l’acide rétinoïque. Mais les chercheurs niçois, en collaboration avec une équipe de l’IGBMC à Strasbourg, viennent de démontrer que ce dogme est infondé. « Nous avons utilisé des techniques capables d’empêcher la fabrication d’acide rétinoïque dans l’ovaire embryonnaire de souris. Et dans une autre étude, nous avons bloqué le message relayé par l’acide rétinoïque en inactivant ses récepteurs. » C’est là que, contre toute attente, les équipes niçoise et strasbougeoise ont observé que, dans les deux cas, les cellules germinales initiaient la méiose tout à fait normalement. « Mieux encore, les ovocytes dépourvus de récepteurs de l’acide rétinoïque donnent naissance, après fécondation, à des souriceaux parfaitement viables, preuve que ces cellules sexuelles restent tout à fait fonctionnelles ». Ces découvertes, qui ouvrent de nouvelles perspectives de recherches en biologie de la reproduction, ont fait l’objet, il y a quelques jours, de publications dans une revue très prestigieuse, Science advances.