Vive les crises !
Il y a les morts, par centaines de milliers à travers le monde, à qui nous devons le respect et la décence. Et puis il y a les autres, pour qui ces trois mois profondément impactés par l’épidémie de coronavirus, resteront comme l’un des événements marquants de toute leur existence. Le nouveau monde ne sera pas forcément plus grand, ni plus beau, ni meilleur. Pourquoi le serait-il ? Peut-être un peu plus conscient de sa fragilité, mais ce n’est pas sûr. Ce qui est probable, c’est qu’il sera différent, que notre vie quotidienne en subira bien des contrecoups. Le groupe Nice-Matin tente aujourd’hui d’évaluer la portée de cette secousse historique. Des reportages, des points de vue, des analyses, des témoignages. Pour que se forge l’opinion qui compte le plus à nos yeux : la vôtre.
Une pandémie et le monde à l’envers. Tout à plat. Comme par terre. Sur le plan comptable, le bilan est terrible. On a beau nous dire que des facteurs de comorbidité ont pesé, le nombre de disparus cause l’effroi. Beaucoup de nos aînés, qui auraient pu vivre, au moins encore un peu, sont partis. Et partis sans possibilité d’un adieu. Casse sentimentale et morale, massacre économique et social. Un expert de la finance nous déclarait récemment que, sans le soutien sonnant et trébuchant de l’État, ce ne sont pas chômeurs de plus que la France aurait recensés en avril, mais vingt millions en trois mois. Dément ! Des chiffres, mais aussi des maux. Durables et profonds. Deux mois de confinement, nos enfants et ados rivés aux écrans. Leurs parents décontenancés, les grandsparents isolés. Suspendu, effacé, balayé, le lien entre humains. L’iPéro n’a qu’un temps. Skype, FaceTime et Zoom ne remplaceront jamais le bisou, la poignée de main, l’accolade et les verres qui tintinnabulent, avec ou sans volée de postillons. On s’est rué sur les pâtes et le papier hygiénique, puisque la guerre était déclarée. Ce n’est pas le meilleur souvenir que l’on gardera de cette crise. Mieux vaut se rappeler les applaudissements au corps des soignants, à heures sur le balcon. Ou le “merci” chuchoté à l’adresse des vendeuses de la supérette, lors d’une rare sortie sur attestation. Aux caissières, la consommation reconnaissante… Covid-, ta propagation alarmante étant semblet-il enrayée, le monde doit se reconstruire sur tes gravats. Toutes tes séquelles ne sont pas à combattre. La famille ressoudée, le travail reconsidéré, les déplacements rationalisés, une société plus solidaire a des chances d’émerger. C’est une chance à saisir, un modèle à réinventer. «Onnepeutpas continuer ainsi », prévient J.M.G. Le Clézio. Si, on peut. Mais ce serait regrettable. L’essor de la médecine à distance, le boum du télétravail, le transport plus propre, mille avancées à creuser, que l’on effeuillera au fil de ce dossier.