Comment construire l’avenir de nos logements
Le confinement a mené à des constats de carence d’une partie de l’habitat actuel. Quelles solutions, quelles améliorations, quelles possibilités ? Éclairages de deux architectes locaux
Bien-être, coûts maîtrisés, écologie, autonomie, pourraient bien être les critères des logements de demain. Les pistes de Luc Svetchine architecte niçois, conseiller du Syndicat des architectes de la Côte d’Azur et de Bruno Bazire, de l’agence d’architecture bioclimatique Trihab, basée à Seillans, dans le Var.
Voir plus grand dans des logements plus petits ?
Luc Svetchine : « L’espace est facteur de bien-être. Peut-être faut-il penser à des logements collectifs, avec des espaces mutualisés, par exemple des volumes de rangement accessibles à tous ou encore des espaces de buanderie, pour la lessive, etc. sur le modèle de ce qui existe déjà en Suisse, au Danemark ou en Suède. Ce qui permet aux appartements de se vider de certaines fonctions et de mieux répondre aux besoins de leurs occupants. On peut se questionner aussi sur certaines pratiques que nous avons : l’appareil à raclette que nous allons utiliser seulement deux fois par an, faut-il vraiment le garder ? Finalement, le luxe ne serait-il pas de vivre dans un certain dépouillement ? Ce que nous a dit le confinement aussi c’est qu’on peut difficilement vivre en famille dans un appartement qui ne répond pas au minimum vital, sans prolongement vers l’extérieur… »
Écolo, ça compte ?
Bruno Bazire : « Il faut avoir une vision “permaculturelle” du logement.
Actuellement on achète son logement un petit peu comme n’importe quel autre produit de consommation avec certes des options, comme la clim’… Mais il faut prendre en compte l’environnement, le terrain, la course du soleil, l’inertie, la protection par rapport aux surchauffes l’été, qui, en général résout aussi les problèmes d’isolation et de performance énergétique l’hiver. Il faut des entrées solaires pour l’hiver, mais la protection de ces entrées pour l’été. On peut vitrer beaucoup le sud pour une communication plus importante avec l’extérieur. Avec des avancées de toiture nécessaires pour faire en sorte qu’à partir du mois de mai, le soleil n’entre plus dans la maison, qu’il ne tape plus sur les vitres pour éviter l’effet de serre. On s’est rendu compte qu’on souffrait de confinement parce qu’on se sentait enfermé. Le fait d’avoir de grandes ouvertures, beaucoup de lumière, permet de ressentir du bienêtre dans des logements de petite taille. Dans une démarche globale il faut aussi intégrer des matériaux qui permettent à l’humidité d’être absorbée par les parois. Parce que le problème des espaces « thermos », complètement étanches, isolés par du polystyrène par exemple, c’est que certains matériaux dégagent des composés organiques volatiles. Ça provoque des effets toxiques. D’où la nécessité d’utiliser des matériaux à faible émission comme la fibre de bois, la ouate de cellulose, la balle de riz. »
Ville ou campagne ?
Bruno Bazire : « Le désir d’autonomie pousse les gens vers les campagnes. Mais il faut travailler sur les villes en tenant compte de la hausse des températures On a déjà atteint 45°C dans certains villages de France. Le jour où on atteint 45°C en ville, il sera extrêmement difficile d’y vivre. Les centrales nucléaires seront obligées de ralentir voire de s’arrêter, car en période de canicule, l’eau n’est plus assez froide pour refroidir les réacteurs ce qui risque de provoquer un black-out. Problème particulièrement présent dans le 06 et le 83 qui n’ont que 13 % d’autonomie énergétique. Or sans clim’, la moitié des logements et des bureaux actuels en ville serait invivable. Il faut donc diminuer les îlots de chaleur, en réduisant l’accumulation de l’énergie thermique sur les parois minérales, routes et façades d’immeubles. Car on peut atteindre 10 à 15°C de plus dans certains quartiers ! Et mesurer du 55 à 60°C au sol. On peut changer les choses si on retravaille sur différents éléments. Bien sûr la végétalisation, mais pas seulement. Il y a de nombreuses autres solutions architecturales, mais il faut que les réglementations évoluent. » Luc Svetchine : « De plus en plus, l’humain habitera dans les grandes agglomérations. Peut-être que le travail à distance va changer un peu les choses… Mais ce n’est pas la crise du coronavirus qui remettra ce principe en question. Ce qui ne veut pas dire qu’il faudra assister à un étalement des villes. Il faut reconstruire la ville dans la ville. On peut certes envisager un redéploiement de la population vers les campagnes mais il doit être organisé. Pour ne pas y reproduire la pagaille de nos villes. Ne pas y créer un habitat qui serait le reflet des égoïsmes. Qui ne serait pas issu d’une pensée collective. Ici sur la Côte d’Azur on a une bande littorale urbanisée de Théoule à Menton. Une sorte de mur qui n’est vivable, supportable, que parce que nous avons à proximité un arrièrepays notamment. Des espaces préservés pour compenser les carences de l’habitat. Ça me fait penser à l’Olympe accessible à tout moment pour s’élever, pour se ressourcer. Attention aux dangers d’une migration dans cette zone : attention de ne pas saccager cet Olympe, ce trésor à portée de main… »