Court-jus épidémique : que vive le transport électrique !
Un siège sur deux, des voyageurs suspicieux, ces fichus masques qui insupportent un peu : pour la liberté et contre la promiscuité, c’est le triomphe de la bicyclette, de la trottinette et de l’électricité
Ni une ni deux. Caroline, 50 ans, vient d’enfourcher son vélo. Électrique. Avec l’énergie conjuguée de ses mollets et d’une petite batterie lithiumion, les trois kilomètres qui la séparent du bureau sont avalés sans effort ni sueur. Moins rapide que le bus ou le tramway. Mais plus sécurisant qu’une frêle trottinette. C’est le moyen de transport assisté de l’année. La révélation du déplacement post-confinement. Une découverte, un élan. Comme si plus rien ne devait être comme avant. La revanche de l’individuel sur le collectif. Économie et facilité assurées, la promiscuité en moins. Avant la crise, Caroline n’aurait pas misé un kopeck sur la bicyclette. Trop de trafic. Trop de danger. Et la peur de transpirer ou d’arriver épuisée. À son image, de nombreux actifs sont soulagés de s’épargner les regards en coin et les trajets debout, un siège sur deux condamné. Une façon d’éviter les rames un peu trop fréquentées tout en entretenant sa forme puisque, tout de même, il faut bien pédaler.
Pédaler branché
À Cagnes-sur-Mer, Claude Vergier, sous l’enseigne La Roue libre, est spécialisé depuis 2012. « Au début, on se moquait de nous. Le vélo électrique, c’était le vélo du fainéant. Les choses ont changé. » Sans viser le Galibier, les actifs sont de plus en plus nombreux à troquer le volant contre le guidon. Un engouement sans précédent : «Ces jours-ci, il m’arrive d’avoir cinq personnes dans la boutique et autant dehors, qui attendent leur tour. » Du jamais vu. « Chaque vélo vendu, c’est deux à trois clients de plus. » Le bouche-àoreille fonctionne à tout-va, les nouveaux adeptes ont vite fait de convertir leurs amis. Ici, les prix débutent à 1 800 et s’envolent jusqu’à 9 000 € pour les modèles les plus luxueux. Composants, légèreté, finitions, maniabilité : il peut y avoir «autant de différences qu’entre une
Dacia et une Porsche » , luxe inclus, à ceci près que la vitesse de pointe est toujours limitée à 25 km/h. Pas d’entrée de gamme au rabais, « rien que du moteur central Bosch, de la batterie conséquente et de la fiabilité éprouvée ».
À savoir avant de changer de braquet
Tout n’est pas d’un bleu pur au royaume de l’assistance électrique. D’abord, les trottinettes. Claude Vergier n’en vend pas : « Quand je vois passer un papa avec son enfant devant lui, à deux sur un engin qui file à toute berzingue et dont les toutes petites roues sont sensibles au moindre trou, je trouve ça effrayant. » Et surtout, le trafic. Si le marché du vélo électrique a pris une certaine maturité, il reste, sur ce plan, deux obstacles majeurs à régler. La disponibilité des pistes cyclables, même si elles se multiplient et s’étendent. Et le comportement des automobilistes, certains d’entre eux s’évertuant à rendre périlleuse la circulation sur ces voies réservées, à force de stationnement en double file et de dépassements intempestifs. Deux mois sans volant n’ont pas réglé le problème, selon Claude Vergier qui s’en désole : « Selon un phénomène très curieux, dès que l’on est automobiliste, on devient irascible, impatient. » Pas sûr que la crise ait adouci les moeurs de nos champions de la route.