Et si les vieilles habitudes politiques changeaient ?
Au-delà des contraintes sanitaires auxquelles les élus ont bien dû se soumettre, l’épidémie risque de modifier en profondeur la façon de faire de la politique
Jacques Chirac, qui aimait tant serrer les louches et claquer des bises, serait bien malheureux en ces temps d’épidémie où se trouver à moins d’un mètre de ses concitoyens constitue presqu’un délit. Privés de réunion publique, les candidats encore en lice pour le second tour des élections municipales ont dû s’adapter, improviser. « On ne serre plus la main… Il y a incontestablement un éloignement physique, mais on s’adapte, explique Jean-Pierre Colin, colistier de la tête de liste LR à La Seyne. Jeudi soir, par exemple, Nathalie Bicais avait donné rendez-vous sur sa page Facebook pour un live . Au lieu de tracter sur les marchés, on fait du “boîtage”. On a également mis en place un maillage de quinze points de contacts en ville pour aller à la rencontre de la population tout en respectant la distanciation sociale. » L’homme politique reste néanmoins persuadé que « c’est temporaire », qu’on ne fait « pas de politique localement en étant sur les réseaux sociaux ».
Des réseaux sociaux sans retenue
Si les réseaux sociaux dépannent, ils sont loin de faire l’unanimité chez les politiques. Même si, la crise sanitaire n’étant pas terminée, il avoue avoir plus de mal à se consacrer à la campagne qu’en 2014, Marc Vuillemot, candidat à sa propre réélection à La Seyne, porte un regard assez critique sur « le remplacement de la relation directe aux gens par des relations au travers d’outils informatiques qui créent une possibilité de non-retenue ». Et le maire sortant de préciser sa pensée : « Il m’arrive de lire des choses simplistes, des contre-vérités qu’on n’aurait jamais écrites sur des tracts. » Pour cet homme politique de la vieille école, « amoureux du porteà-porte et des confrontations d’idées dans la rue, ou au bistrot », il y aura « nécessité d’inventer une régulation différente des réseaux sociaux en termes d’éthique ».
Réélu dès le premier tour, André Guiol, le maire de Néoules et président de l’association des maires ruraux du Var, se veut plus optimiste. Comme ses collègues, il est venu aux réseaux sociaux. Avec modération. « Pour moi, Facebook n’est qu’une fenêtre sur l’extérieur, sur la rue. Je ne l’utilise pas vraiment pour communiquer », confie-t-il. Au lendemain du confinement, c’est même avec un plaisir certain qu’il est allé à la rencontre de ses administrés dans les quartiers de son village. « Pour ne pas être taxé de démagogie, je m’étais refusé pendant la campagne à aller régler des problèmes ponctuels. Là-dessus, le confinement a été décrété. Au final, j’ai ressenti chez mes concitoyens un besoin de discuter, de débattre de façon apaisée avec leurs élus de proximité. » Convaincu que le système représentatif n’est pas mort, André Guiol ajoute : « Nous, élus, devrons mieux expliquer nos décisions de proximité. »