Une vie sans fard Professeure de théâtre reconnue, autodidacte, Michèle Richard est une touche-à-tout au grand coeur
Gens d’ici
Mais qu’est-ce que je vais bien pouvoir vous dire ? Je sais vendre les autres, mais moi… c’est une autre histoire ! » Michèle Richard part dans un éclat de rire. Spontané. Bienveillant. À son image. Maman de quatre enfants, cette native de Perrecy-les-Forges, en Saône-et-Loire, compte aujourd’hui parmi les figures du théâtre dracénois. Et son ascension professionnelle, Michèle ne la doit à personne d’autre qu’elle-même. « La passion du théâtre, je l’ai toujours eu en moi, confie-t-elle. Mon grand-père en faisait dans mon village natal et je me souviens du plaisir que je prenais à le regarder jouer. » Passion que Michèle a pourtant assouvie sur le tard. « Issue d’une fratrie modeste de onze enfants, je n’ai jamais eu la chance de pouvoir suivre des cours. Le théâtre, je le regardais à la télé. Et ce n’est que plus tard dans ma vie, après avoir fondé une famille et exercé quelques années en tant que secrétaire, que j’ai commencé à m’inscrire à des stages. Je me sentais plus légitime… » Libérée de toute « frustration », ressentie étant plus jeune. « J’ai pris mon courage à deux mains, il le fallait, sourit Michèle. En arrivant à Draguignan, au début des années 90, je me suis immédiatement portée volontaire pour assurer bénévolement des ateliers de théâtre à l’école Sainte-Marthe. » Une première mise en bouche, si appétissante que Michèle finit par en redemander. « En 1998, j’ai fondé ma propre compagnie : “100 limit”. Je l’ai nommée ainsi car un jour, un proche m’a dit que je pouvais être sans limite quand j’étais investie dans quelque chose. » Et Michèle le prouve un peu plus chaque jour. « Au départ, j’avais poussé les meubles et j’accueillais mes élèves chez moi. Jusqu’à ce que j’obtienne, pour le plus grand soulagement de ma voisine du dessous [rires] ,une salle à Draguignan. Je me suis développée et j’ai essayé de monter des projets avec des compagnies locales, mais je me suis faite envoyer sur les roses. Moi l’autodidacte, on me regardait de haut. Encore aujourd’hui… » Mais Michèle n’y prête pas cas. Déterminée, regardant droit devant, elle poursuit son bout de chemin, intègre le Conservatoire d’agglomération au cours de l’année 2006. Et voit les élèves se bousculer à sa porte… «Jesuis une centaine de passionnés chaque année. Il m’arrive d’en refuser par manque de place, mais toujours à contrecoeur. » cinq heures en visio avec eux tous les jours. » Une nouvelle façon de travailler que Michèle n’a pas toujours bien vécu. « Avec les bugs, les migraines ophtalmiques et toutes les difficultés que peuvent impliquer ce mode de fonctionnement, j’ai parfois eu envie de manger mon frigo et tout ce qu’il y avait dedans ! Mais, tempère-t-elle, quand l’écran s’allume et que je les vois tous ensemble, forts de cet état d’esprit de groupe que je recherche tant, ils font mon bonheur. Je me dis que j’ai tout gagné. » Et comme Michèle voit toujours le verre à moitié plein, elle s’exclame : « Le théâtre, art vivant par excellence, n’a rien d’évident quand il se joue par écrans interposés. Mais cela a le mérite de favoriser la spontanéité, le ressenti. Et je dis toujours : je veux faire de mes élèves des comédiens, pas des marionnettes. Surtout, je veux qu’ils s’épanouissent autant que j’ai pu l’être. » Sur scène, comme en coulisses... « J’aime interpréter, créer, écrire, mettre en scène, et s’il le faut, je maquille, je coiffe, je m’occupe des décors et des costumes. Mais je suis sans prétention. Jamais. Je suis “100 limit” », rigole Michèle. À tel point qu’à 62 ans, après avoir repassé son bac à 45 ans et obtenu un diplôme universitaire d’art-thérapie à 58 ans, cette passionnée au grand coeur nourrit de nouveaux projets. « Je déteste les cases, mais j’adore les défis. Je n’ai pas dit mon dernier mot », promet-elle, tout en sachant pertinemment : « Dans cinq ans, il me sera possible de partir à la retraite. Mais je sais que je n’y arriverai pas. C’est plus fort que moi... »