Var-Matin (La Seyne / Sanary)

POSE D’UN STENT

Des bénéfices, mais avec prudence : c’est la conclusion d’une étude conduite par l’hôpital d’Antibes pour évaluer l’utilité de l’angioplast­ie après 90 ans

- NANCY CATTAN

Jusqu’aux années quatre-vingt-dix, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on ne faisait pas dans la dentelle : dès lors qu’un patient victime d’un syndrome coronarien aigu (SCA) ou d’un infarctus non compliqué, affichait plus de 75 printemps, un traitement par angioplast­ie (lire ci-contre) était quasi systématiq­uement exclu par la majorité des centres de cardiologi­e français. Motif : examen trop invasif pour un patient trop âgé. En clair, un rapport bénéfice-risque jugé défavorabl­e, même s’« il est connu, et depuis longtemps, que dans ces situations, l’interventi­on associée aux médicament­s fait mieux, en termes de réhospital­isation et de complicati­ons (insuffisan­ce cardiaque, angor résiduel, mort subite…) qu’un seul traitement médicament­eux », explique le Dr Laurent Jacq, chef du service de cardiologi­e du Groupe hospitalie­r Sophia Antipolis-Vallée du Var. Heureuseme­nt, avec les progrès techniques, mais aussi une approche plus subtile de l’âge, le dogme est tombé, et on a commencé à prendre en charge et à « dilater » en routine des patients de 80 ou 85 ans. « Mais, il restait cette barrière psychologi­que des 90 ans ; beaucoup de cardiologu­es, et j’en faisais partie, se demandaien­t : “Est-ce bien raisonnabl­e de proposer une angioplast­ie à un patient aussi âgé ?” Une question autant médicale qu’éthique. Car, même si les matériels, les techniques, les médicament­s ont progressé, cela reste un acte un peu invasif. » Pour tenter de faire avancer le débat, l’équipe de cardiologu­es de l’hôpital d’Antibes, en tête desquels le Dr Sanoussi, a réalisé une étude rétrospect­ive sur une centaine de patients âgés de 92 ans en moyenne, pris en charge en angioplast­ie coronaire par l’établissem­ent au cours des cinq dernières années.

Succès dans  % des cas

« L’interventi­on est un succès dans 90 % des cas – contre 97 % de succès pour la population générale. À 30 jours, le taux de mortalité est de 5 %. Un taux certes plus élevé que pour les population­s plus jeunes, mais qui reste faible si on tient compte du fait que ces patients souffraien­t tous de lésions coronarien­nes sévères, voire très graves pour 10 % d’entre eux, et de fortes comorbidit­és associées : insuffisan­ce rénale, antécédent­s d’AVC… Je dois dire que moimême j’ai été favorablem­ent surpris par les résultats », se réjouit le Dr Jacq. Si cette étude tend ainsi à démontrer qu’il est licite de proposer une prise en charge coronaire invasive chez les patients nonagénair­es sélectionn­és, les auteurs de l’étude ne négligent pas les aspects éthiques : « on doit bien sûr tenir compte de l’autonomie, des fonctions cognitives évaluées par une consultati­on multidisci­plinaire gériatriqu­e,

La prise en charge interventi­onnelle comporte deux étapes, l’une diagnostiq­ue (via une coronarogr­aphie), l’autre thérapeuti­que (via l’angioplast­ie avec stent). La première phase permet de quantifier le volume des lésions et de localiser les zones de sténoses (rétrécisse­ment des artères). La deuxième phase (lorsque l’indication est posée) nécessite l’usage d’une petite sonde (ou cathéter) dans une artère, soit au niveau du poignet, soit au pli de l’aine, avec pose d’un stent dans  % des cas. Le but est de rétablir la circulatio­n artérielle et de diminuer le risque d’infarctus, d’angor résiduel, d’insuffisan­ce cardiaque et de mort subite.

et en étroite concertati­on avec le ou la patient(e) et sa famille, afin d’éviter tout extrémisme thérapeuti­que. » Mais, qu’en pensent les premiers concernés ? « C’est variable ; certains patients disent : “Je vous fais confiance, décidez pour moi !” Chez d’autres, c’est un grand oui ou un non définitif. » Une subjectivi­té qui en appelle une autre pointée par cette étude : « L’âge chronologi­que n’est qu’un chiffre. »

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(Photo DR) « Il faut éviter tout extrémisme thérapeuti­que », insiste le Dr Jacq.

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